Je le jure : justesse et justice

D’Anatomie d’une chute à Juré numéro n°2 en passant par Le procès Goldman, le cinéma, notamment français, n’est pas en reste ces dernières années pour traiter le thème du procès.  Face aux théâtres grandiloquents des cours, et aux méandres au mieux secrets au pire inintelligibles des décisions de justice, les caméras des réalisateurs·trices tentent le grand écart pour nous livrer des vérités sur nos systèmes judiciaires – et nos failles humaines. Avec Je le jure, Samuel Theis (réalisateur de Party girl et Petite Nature, acteur croisé dans le rôle du mari dans Anatomie d’une chute), tente le pas de côté qui nous fait tomber à la renverse pendant près de deux heures. Dans l’intimité d’un juré en appel, on juge ici la justesse de la peine, et non la culpabilité de l’homme dans le box. Paradoxalement, des accusations d’agressions sexuelles ont pris à partie le réalisateur du film, ce qui a conduit à la mise en place d’une procédure spécifique de tournage. Je le jure est ainsi le premier film achevé dans ce type de configuration, ce qui en fait pour le moins une curiosité, sinon une réussite.  

Dans une Lorraine désindustrialisée (décidément décor de beaucoup de films sociaux récents, comme Jouer avec le feu ou Leurs enfants après eux), Fabio, quarante ans, semble bel et bien paumé. Entre partie de chasse et bédo, il travaille sur des chantiers le jour et vit une relation cachée avec Marie, vingt ans son aînée, la nuit. Un matin, il reçoit une convocation pour être juré d’assises. Plongé dans un monde où il ne connaît aucun code, Fabio va devoir juger en appel un jeune pyromane condamné à 12 ans pour homicide involontaire.

Avec Je le jure et comme rarement, le spectateur est interpellé dans sa chair par les désaccords des neuf jurés, écho cathartique de nos propres questionnements et sentiments.

Avec Je le jure et comme rarement, le spectateur est interpellé dans sa chair par les désaccords des neuf jurés, écho cathartique de nos propres questionnements et sentiments. Faut-il prononcer une peine encore plus lourde, pour protéger la société d’un individu dangereux qui semble incapable de changer ? Ou montrer à ce jeune qui n’a pas encore 25 ans qu’il peut s’en sortir et soigner sa pyromanie ? Il faut écouter les joutes, les arguments et les éclats du cœur ou de la raison que le scénario enchaîne sans tomber dans le manichéisme. 


Et il faut regarder Fabio, ce juré numéro 22 qui ne parlera presque pas durant tout le procès. Il faut regarder les yeux métalliques et doux de cet homme égaré, intensément joué par Julien Ernwein, un acteur amateur qui travaille sur des chantiers dans la vraie vie. C’est son jeu tout en dentelles qui permet le lien entre les deux mondes qu’il traverse chaque jour en allant et revenant du tribunal. Bien plus que la présence de ses célèbres consœurs Louise Bourgoin et Marina Foïs, jurée et juge dans le film, personnages secondaires auxquels on a du mal à croire pleinement.

Dans un écrin filmique magnifique, où chaque plan découpe le bon visage, le reflet important, l’œuvre nous emporte sans fioritures dans les changements vécus par Fabio, jusqu’au dénouement final. La beauté de la dernière scène, bien loin de l’immensité froide du tribunal de Metz, vaut à elle seule qu’on patiente 1h50.

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RÉALISATEUR : Samuel Theis 
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : drame, judiciaire 
AVEC :  Julien Ernwein, Marie Masala, Marina Foïs, Louise Bourgoin, Sophie Guillemin 
DURÉE : 1h50 
DISTRIBUTEUR : Ad Vitam 
SORTIE LE 26 mars 2025