Iris et les hommes : le pouvoir de dire oui

Souvenez-vous, entre deux confinements, un petit film français dont personne n’attendait rien crée la surprise et tient la dragée haute à Tenet de Christopher Nolan. Ce deuxième film de Caroline Vignal, Antoinette dans les Cévennes, s’est même permis dans un contexte cinématographique très troublé de dépasser les 700 000 entrées en France. Quelques mois plus tard, c’est la consécration pour Laure Calamy, l’actrice principale du film, récompensée par le César de la meilleure actrice 2021. Autant dire qu’après ces Scènes de la vie de campagne, au sens presque balzacien du terme, nous étions curieux de découvrir ce que Laure Calamy et Caroline Vignal, tandem reconstitué, pouvaient nous proposer. Elles opèrent un changement radical à 180° en plantant leur histoire à Paris et en décrivant une épouse tentée par le démon de la chair, alors qu’Antoinette ne rêvait que du grand amour auprès d’un homme nettement moins enthousiaste.

Un mari formidable, deux filles parfaites, un cabinet dentaire florissant : tout va bien pour Iris. Mais depuis quand n’a-t-elle pas fait l’amour ? Peut-être est-il temps de prendre un amant. S’inscrivant sur une banale appli de rencontre, Iris ouvre la boite de Pandore. Les hommes vont tomber… Comme s’il en pleuvait !

Caroline Vignal se contente de verser dans le catalogage des applications de rencontres, préférant croquer l’anecdotique plutôt que de viser l’universel.

Avec Iris et les hommes, Caroline Vignal reste dans le registre de la comédie sentimentale mais perd d’emblée deux atouts majeurs, la beauté de la nature cévenole qui apportait un plus incontestable à la majesté des cadres de Antoinette dans les Cévennes, et surtout un âne dénommé Patrick, dont le nom reste en mémoire bien après la projection. Iris et les hommes représente quasiment un envers symétrique d’Antoinette dans les Cévennes : des intérieurs parisiens, gris et froids face à la nature accueillante et estivale, une héroïne attirée par le démon de l’adultère versus une célibattante en quête d’un amour qui la fuit,

Ne faisons pas durer le suspense : en dépit d’une introduction plutôt réussie (la séquence du compartiment de métro), Iris et les hommes passe largement en-dessous de l’objectif visé. Ce qui aurait pu être une jolie comédie de remariage, dont les auteurs hollywoodiens (Cukor, Hawks, Lubitsch, Sturges, McCarey) avaient le secret, finit par empiler cliché sur cliché (les cinq amants d’Iris, réduits à des stéréotypes sans réelle épaisseur humaine, le dépressif collant, le séducteur macho, le black décontracté, l’adepte du SM, le post-ado en mal de cougar).

Caroline Vignal avait pourtant réussi à cerner son sujet dans la scène de repas en opposant les générations : la fille d’Iris faisant l’apologie du consentement et du fait de savoir dire non face à sa mère qui réaffirme le pouvoir de dire oui, au corps, à la sensualité et à la jouissance. Il y avait matière à une confrontation réjouissante entre une génération post-MeToo qui, de façon caricaturale dans le film, ne s’ouvre pas aux rencontres et préfère rester dans sa chambre en lisant, et une génération post-soixante huitarde qui prône l’éveil au désir et la jouissance tous azimuts. Le véritable sujet du film se résumait en quelques mots, l’adolescence et les personnes qui peuvent s’en revendiquer, Iris ayant conservé cette adolescence enthousiaste du coeur que sa fille n’a déjà plus. Au lieu de creuser cette piste passionnante qui va à rebours des clichés de l’austérité et du puritanisme ambiants, Caroline Vignal se contente de verser dans le catalogage des applications de rencontres, préférant croquer l’anecdotique plutôt que de viser l’universel.

Du côté mise en scène, on notera surtout une séquence impromptue de comédie musicale qui ressemble à du Demy maladroit. Heureusement, quelques comédiens parviennent à sauver pendant quelques éclaircies cette comédie du marasme des films français qui se ressemblent tous les uns les autres : Suzanne de Baecque, irrésistible en assistante dentiste, qui ménage même des moments d’ambiguïté, Vincent Elbaz, sobre et en retrait, dans le rôle essentiel du mari qui a délaissé, par manque de temps et d’envie son devoir conjugal, à force de le considérer comme un devoir plus que comme un plaisir, et surtout Laure Calamy, merveilleuse comédienne, qui parvient, grâce à sa sensualité et sa jubilation naturelles, par des oeillades et des ravissantes mimiques à nous arracher des sourires que le film ne parvient en fait guère à susciter.

2.5

RÉALISATEUR : Caroline Vignal
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : comédie sentimentale, romance  
AVEC : Laure Calamy, Vincent Elbaz, Suzanne de Baecque 
DURÉE : 1h38 
DISTRIBUTEUR : Diaphana Distribution
SORTIE LE 3 janvier 2024