Hypnotic : un homme sous influence

 

Robert Rodriguez ressemble à un caméléon du cinéma. D’abord connu pour se trouver dans le sillage de Quentin Tarantino (Une Nuit en enfer, Sin City, Planet Terror, l’un des deux volets du diptyque Grindhouse), il semble chercher de nouveaux modèles ces derniers temps. Il a ainsi connu un certain succès en reprenant un scénario écrit par James Cameron, avec Alita : Battle Angel. Avec Hypnotic, c’est un autre grand metteur en scène (voire plusieurs) qu’il imite, parodie, voire plagie. Tout le principe du film consistant à être guidé dans ses pensées par celui qui vous hypnotise, on trouvera sans mal la métaphore du film dans son histoire, qui est en fait une mise en abyme du processus de création de Robert Rodriguez.

Déterminé à retrouver sa fille, le détective Danny Rourke enquête sur une série de braquages qui pourraient être liés à sa disparition. Mais les criminels qu’il poursuit sont bien plus machiavéliques qu’il ne l’imaginait : ils hypnotisent des innocents pour qu’ils commettent des crimes contre leur volonté. Personne ne semble à l’abri. Pour les déjouer, Rourke va devoir se méfier de tout le monde…

Présenté en séance de minuit au Festival de Cannes 2023, Hypnotic n’a guère hypnotisé les foules. Il faut préciser que les 45 premières minutes ressemblent à un épisode assez mauvais de X-Files, le personnage de Ben Affleck devant s’opposer à un méchant assez diabolique qui hypnotise de pauvres quidams pour leur faire faire exactement ce qu’il veut, par procuration. On se demande alors ce qui a pris Thierry Frémaux de sélectionner, même en séance de minuit, un tel produit cinématographique anonyme.

Il faut donc attendre 45 minutes assez laborieuses pour comprendre que le véritable but de Robert Rodriguez est de rendre hommage, non plus à Quentin Tarantino ni à James Cameron, mais cette fois-ci à Christopher Nolan. La réalité que l’on perçoit n’est pas la véritable réalité (clin d’oeil à Inception) et la plupart des personnages sont en fait mis à jour régulièrement, en effaçant leurs souvenirs (cf. Memento). Malheureusement, l’on s’en rend compte de plus en plus, n’est pas Nolan qui veut. Chez Nolan, ce qui constitue le coeur de son dispositif est réduit ici à des artifices scénaristiques qui n’ont pas de résonance dans la psyché des personnages. Rodriguez, en bon Copycat, reproduit les procédés mais manque d’ampleur et d’âme dans la finition du projet. Le seul avantage du film, sa brièveté, ne dépassant pas l’heure et demie, finit par se retourner contre lui.

Si l’on rajoute que, non content d’imiter Christopher Nolan, Rodriguez empile quantité de références (The Truman Show, Un jour sans fin, Matrix, etc), sans que le spectateur en voie la finalité profonde. Trop de références tuent les références. Pourtant, à un certain moment, lorsque Ben Affleck se balade dans les décors de ce qui représente sa réalité, on se trouve presque face à une belle métaphore de la mise en scène et du cinéma, les décors dans leur nudité représentant avec leurs panneaux et les noms des lieux quasiment l’abstraction d’un film comme Dogville. Rodriguez est passé à côté d’un beau film sur le cinéma, s’il avait concentré son attention sur cet aspect hyperbolique. Comme dans l’intrigue de son film, Rodriguez est en fait un cinéaste sous influence, submergé par les nombreuses références des films qu’il voit en quantité industrielle.

Malheureusement la faiblesse générale de l’interprétation (Ben Affleck en dépression, la mâchoire serrée, Alice Braga peu mémorable) hormis un William Fitchner efficace comme à son habitude, conduit le spectateur à passer son tour face à cette valse des apparences qui aurait pu s’avérer fascinante mais se révèlera finalement assez médiocre. On se demande d’ailleurs comment 70 millions de dollars ont pu financer un film qui n’affiche guère les prétentions de son budget. Pour ceux qui voudraient connaître le fin mot de l’histoire, ne quittez pas le film avant de voir au moins trois minutes de son générique de fin, le Bien qui semble avoir triomphé n’a pas pris garde au Mal qui s’est déguisé.

2.5

RÉALISATEUR : Robert Rodriguez
NATIONALITÉ :  américaine
GENRE : Action, thriller 
AVEC : Ben Affleck, Alice Braga, William Fichtner
DURÉE : 1h30 
DISTRIBUTEUR : SND 
SORTIE LE 23 août 2023