How to have sex : Spring breakers

Déjà remarquée à la Semaine de la Critique par ses courts métrages, Molly Manning Walker, jeune réalisatrice de 30 ans, représentait une grosse prise pour Thierry Frémaux. Contre toute attente, il avait en effet réussi à la convaincre de participer à la section Un Certain Regard. Le résultat s’est révélé concluant : hyper-favorite de la section, en raison d’un titre de film légèrement racoleur qui a forcé l’attention des festivaliers, Molly Manning Walker a remporté haut la main le Prix Un Certain Regard décerné par le jury de John C. Reilly. Néanmoins, derrière la jeunesse revendiquée et le glamour bling-bling, qu’en est-il véritablement des qualités de cette première oeuvre?

Afin de célébrer la fin de leurs années lycée, Tara, Skye et Em décident de s’offrir leur première escapade entre amies dans une station balnéaire méditerranéenne très prisée. Leur plan ? Enchaîner les fêtes, les soirées bien arrosées, et les nuits blanches en compagnie de colocs anglais rencontrés dès leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage plein d’excès a le goût des premières fois, mais elle se retrouve rapidement dépassée. Confrontée à l’effervescence collective, elle se demande si elle est réellement libre d’accepter ou de refuser chaque nouvelle expérience qui se présentera à elle…

How to have sex apparaît comme une démonstration un peu trop laborieuse de la pression sexuelle qui pèse sur les jeunes filles, de la gestion parfois faussée du consentement que les vierges croient ne pas avoir donné et de l’ambiance parfois fort peu recommandable des stations balnéaires.

Le film s’ouvre par quarante minutes où l’on fait la connaissance de jeunes adolescentes parties en vacances, dans une station balnéaire en Grèce. Elle se retrouvent entourées d’autres jeunes gens guère plus âgés et aussi désireux de faire la fête. Avouons-le tout de suite, le début (la première moitié?) de How to have sex s’avère très éprouvant, non pas en raison de scènes chocs survendues par un titre provocateur, mais parce que la réalisatrice a jugé bon de nous montrer des spécimens de jeunes décomplexés, superficiels et vulgaires. On cherchera en vain des traces de sensibilité, d’intelligence et de finesse dans cet étalage peu glorieux de concours d’exhibitionnisme et d’excentricités. Cette première moitié rappelle le début de Spring Breakers d’Harmony Korine, à l’immense différence que tout l’aspect superficiel de Spring Breakers était ramassé dans les trois premières minutes de clip introductif, pour laisser ensuite la place aux états d’âme neurasthéniques de protagonistes féminines auxquelles le spectateur s’attachait instantanément. Rien de tout cela ici : on comprend vaguement que la jeune Tara est déclassée de deux manières par rapport à ses deux camarades, plus malignes et décomplexées : par son manque de réussite à ses études et par son état de virginité qui fait d’elle une proie pour les queutards qui l’entourent. Mais cela ne suffit guère à déclencher un intérêt plus que poli pour ces circonvolutions entre ados désincarnés ressemblant à une certaine caricature de la jeunesse, plombées par une musique techno du plus mauvais aloi.

Arrive alors au bout de 45 laborieuses minutes, le principal événement du film : le dépucelage de Tara. Molly Manning Walker a l’intelligence de le filmer de manière pudique et discrète, quasiment subliminale et d’en faire le point noir (si l’on peut dire) de sa dramaturgie. A partir de là, Tara disparaît comme Léa Massari dans L’Avventura et de cet événement et de cette absence, finit par naître enfin de la fiction. Au cours des quarante minutes suivantes, Tara finit par réapparaître à la manière d’un fantôme (jolie prestation de Mia McKenna-Bruce, tout de même à noter) et les personnages finissent enfin par exister et à sortir de leurs caricatures : les deux amies qui l’entoureront de leur solidarité, le prédateur qui la violera à nouveau en faisant fi de son consentement, l’ami, plus tendre et attentionné que l’on n’aurait cru. Oui mais trop tard car, en prenant le risque d’un changement de style dans la deuxième partie de son film, Molly Manning Walker a peut-être mal géré les effets de sa narration. Car, en dépit de ce revirement narratif, How to have sex apparaît comme une démonstration un peu trop laborieuse de la pression sexuelle qui pèse sur les jeunes filles, de la gestion parfois faussée du consentement que les vierges croient ne pas avoir donné, et de l’ambiance parfois fort peu recommandable des stations balnéaires.

Par conséquent, How to have sex est un film un peu éprouvant, pour des raisons différentes de celles que l’on croit, et qui ne donne guère envie d’être revu, malgré les sujets de première importance qu’il soulève. En l’état actuel des choses, pétard mouillé et/ou semi-réussite, il s’avère difficile d’effectuer des pronostics sur la suite de la carrière de Molly Manning Walker. Grande cinéaste ou feu de paille? L’avenir le dira.

2.5

RÉALISATEUR : Molly Manning Walker 
NATIONALITÉ :  britannique 
GENRE : drame 
AVEC :  Mia McKenna-Bruce, Lara Peake, Enva Lewis
DURÉE : 1h28 
DISTRIBUTEUR : Condor Distribution
SORTIE LE 15 novembre 2023