Halloween représentait une belle occasion pour notre rédaction de s’interroger sur son rapport à la peur et l’horreur. Chaque rédacteur en possède une vision différente mais des points communs surnagent. On reconnaîtra une prédominance de Shining, seul film d’horreur réalisé par Stanley Kubrick, cité par 4 rédacteurs sur 6, ainsi que de John Carpenter qui place deux de ses films dans le Top 5 (Halloween, The Thing) et un autre cité (The Fog). On peut noter également la présence de Sam Raimi, cité deux fois (Evil Dead 2, Jusqu’en enfer), sans pour autant figurer dans le Top 5. Peu de films récents sont mentionnés (Ça, Conjuring: les Dossiers Warren, The Witch, The Lighthouse, The Descent), ainsi que peu de films français (Martyrs), asiatiques (japonais ou coréens) ou italiens (le giallo). Certains grands maîtres de l’horreur sont quasiment oubliés (David Cronenberg, Dario Argento, Brian De Palma, George Romero, Tobe Hooper, William Friedkin, Roman Polanski). Certains films pâtissent manifestement de se trouver au confluent de plusieurs genres (Alien, Le Silence des Agneaux, Seven), alors qu’ils possèdent peut-être certaines des séquences les plus traumatisantes du cinéma contemporain. L’horreur est ici essentiellement américaine (Kubrick, Carpenter), située à la fin des années 70 ou le début des années 80 et hormis le cas-limite, plus cérébral, de Shining, est le plus souvent viscérale, monstrueuse, tétanisante à répétition, traumatisante à jamais.
Top 5 de la rédaction
1. Shining de Stanley Kubrick, 18 pts.
2. Halloween de John Carpenter, 13 pts.
3. The Thing de John Carpenter, 9 pts.
4. Alien de Ridley Scott, 8 pts.
5. Les Griffes de la nuit de Wes Craven, 5 pts.
Justine Vignal
Halloween : la Nuit des masques de John Carpenter
Impossible de parler d’horreur cinématographique sans évoquer John Carpenter et sans mettre Halloween à la tête du peloton. Indubitablement, ce slasher s’est ancré comme un classique du genre. Et comme de nombreuses autres créations signées Carpenter, Halloween révolutionne le dispositif horrifique par des techniques nouvelles. Une ouverture avec une séquence subjective en mettant le spectateur à la place du psycho-killer, de longs plans où l’on se rend compte que le tueur était en arrière-plan depuis le début, posté là, dans l’obscurité, comme à nous observer. Le film est un coup de maître en tous points. On est effrayé quand l’objet de la peur n’est plus présent car l’on sait qu’il rôde et qu’il est insaisissable. En mettant en scène Michael Myers comme un monstre qui peut surgir à tout instant dans le champ, Carpenter a inventé l’épouvante par l’abstraction.
Top 5 :
1) Halloween: la nuit des masques de John Carpenter
2) Ça, il est revenu de Tommy Lee Wallace. Film culte qui a traumatisé tous les enfants des années 90, Ça marque les esprits par sa capacité à faire figurer la peur elle-même, puis à la transcender : vous vous retrouverez toujours inquiets en regardant une bonde de douche.
3) Martyrs de Pascal Laugier. Film d’horreur psychologique par excellence, Martyrs fait découvrir l’ampleur du talent de Pascal Laugier et son traitement subtil du trauma par la métaphore.
4) Les griffes de la nuit de Wes Craven. Cinéaste prolifique du genre, Wes Craven est un obsessionnel du slasher : après avoir croisé le chemin de Freddy Krueger, le tueur d’enfants agissant en plein sommeil, vous aurez peur de partir dans le royaume des rêves.
5) The Descent de Neil Marshall. Un huis clos claustrophobique à l’atmosphère ultra-tendue et au rythme original : plus jamais vous ne vous approcherez de près ou de loin à la spéléologie.
Thomas Artemniak
Shining de Stanley Kubrick
Pour moi, le film d’horreur qui m’a le plus marqué est Shining de Stanley Kubrick. Ce film est une adaptation d’un des romans les plus célèbres du maître de l’horreur: Stephen King. Même s’il n’a jamais aimé la vision de Kubrick et qu’il a clamé haut et fort qu’il ne soutiendrait pas ce film (il a participé à d’autres projets d’adaptation notamment TV, pas franchement réussies d’ailleurs…), force est de reconnaître que ce film est un pur chef-d’oeuvre.
Kubrick a compris l’essence même du roman et en a saupoudré son adaptation. Car oui, Shining est ce que l’on peut appeler une adaptation réussie. Il ne suit pas le roman à la lettre, prend parfois quelques libertés avec les personnages, mais l’ambiance, lourde, fantastique, la magnificence du décor extérieur de l’Overlook Hotel et de son labyrinthe végétal sous la neige, l’intérieur de l’hôtel prodigieusement grand et vide, rendent parfaitement le malaise et la peur de Danny, le petit garçon qui a le don de double vue, le fameux « shining ».
Le film est parsemé de véritables morceaux de bravoure comme seul Kubrick sait les orchestrer: la balade de Danny sur son tricycle qui parcourt les grandes étendues de l’hôtel (rythmée par l’alternance des tapis et du parquet, qui donne un tempo lancinant figurant le vide), la rencontre des petites jumelles et la scène de la salle de bain (brrr!)… Mais aussi et surtout la prestation incroyable de Jack Nicholson, dont on voit la folie grandir sur son visage et notamment dans ses yeux au fur et à mesure que le film avance. L’acteur a passé un grand nombre d’heures devant la glace pour préparer ses grimaces et ce regard halluciné totalement glaçant. Et le résultat se voit à l’écran: impossible d’oublier ce regard après avoir vu le film. C’est la preuve, s’il en fallait encore une, que nous sommes devant un grand chef-d’oeuvre du genre !
Top 5 films d’horreur:
- Shining (Stanley Kubrick)
- Halloween (La nuit des masques) (John Carpenter)
- Les Griffes de la nuit (Wes Craven)
- Braindead (Peter Jackson)
- The Thing (John Carpenter)
Quentin Eluau
Signes : mon premier film « d’horreur » au cinéma. Si je me trompe pas j’étais en 6ème au moment de la sortie de Signes au cinéma. J’y suis allé avec Pierre, qui l’avait déjà vu. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir le film le plus angoissant et l’un des plus effrayants qu’il m’ait été donné de voir à ce moment-là de ma vie. Avant, en terme « d’horreur », j’avais eu le droit à La Momie et ses scarabées de l’enfer, qui m’avaient valu 4 mois de cauchemar… L’ambiance et le scénario étaient stressantes pour moi à cet âge-là. Soyons honnête, j’ai passé pas mal de temps caché sous ma veste pendant la séance, tellement j’étais pas bien devant. Mention spéciale à la scène dans le champ de maïs que je n’ai vue entièrement que bien des années plus tard. Bien évidemment, Pierre était là pour me prévenir que tout allait bien aux pires moments du film.Maintenant, je peux regarder ce film sans soucis heureusement. Et finalement je l’aime bien même si certain points dérangent, mais ça c’est une autre histoire.
Top 5
1 – The Thing
2 – Evil Dead 2
3 – The Shining
4 – The Lighthouse
5 – The VVitch
Pierre Larvol
Fog de John Carpenter « Quelque chose est sorti du brouillard et a tenté de nous détruire. À un moment, ça a disparu. Ça pourrait revenir.« . Enveloppé dans un mystérieux brouillard, le petit village de pêcheurs doit faire face à son pire cauchemar : son origine. Une nappe brumeuse, acide et corrosive, envoyée à l’adresse de l’Amérique des Pères Fondateurs. Dans la continuité d’Halloween, Fog fait du hors-champ la source de nos terreurs, mais aussi l’allié de son originalité dans un registre calibré. Avec son tempo maîtrisé, sa bande-originale lancinante et sa photographie soignée, le film de John Carpenter reste aujourd’hui encore un chef-d’oeuvre d’ambiance. 40 ans plus tard, du haut de son phare, Stevie Wayne continue de prévenir la population d’Antonio Bay : « Regardez par-delà l’horizon, dans l’obscurité, cherchez le brouillard. ». —-
Top 5 (je n’ai pas d’ordre en revanche) :
– Ça (2017)
– Conjuring : Les dossiers Warren (2013)
– Alien : Le 8ème Passager (1979)
– Shining (1980)
– Jusqu’en enfer (2009)
Remy Pignatiello
Alien de Ridley Scott
Chef-d’œuvre du genre, maîtrise parfaite de la claustrophobie et de la suggestion, Alien est à la fois dans le panthéon de l’horreur, du fantastique et de la science-fiction. Tout semble parfaitement coller dans ce film d’où rien ne dépasse, que ce soit dans son rythme, ses rebondissements, son interprétation ou sa qualité plastique, capables de faire flipper même en plein après-midi ensoleillé avec une efficacité redoutable. C’est aussi un film psychanalytiquement fascinant, où les cauchemars autour de l’enfantement et du corps féminin rôdent, tout comme le viol semble constamment au corps de l’épouvante des personnages tant ses conséquences peuvent être terrifiantes. Un film au potentiel de revisionnage incroyable.
Top 5
1. Alien
2. Halloween
3. The Thing
4. Massacre à la tronçonneuse
5. Dawn of the Dead (2004)
David Speranski
Cela s’appelle l’horreur
L’horreur est mentale. Elle sert à nous confronter à nos peurs les plus intimes, que ce soit la peur de la page blanche et de l’enfer conjugal (Shining), le vieillissement et la dégénérescence (La Mouche), la folie (Possession), etc. Le Silence des Agneaux n’est pas au sens strict un film d’horreur, même s’il met en scène des serial-killers. En revanche, il possède certaines des séquences les plus terrifiantes jamais filmées, pas forcément sur le plan graphique, puisque peu de sang y coule en définitive. Il suffit à Jonathan Demme de filmer les confrontations entre Clarisse Starling et le Docteur Hannibal Lecter pour nous coller le grand frisson, en montrant comment Hannibal s’insinue dans l’esprit de Clarisse et dévoile ses traumatismes les plus intimes. A partir de ce moment, les agneaux hurleront au plus profond de nous-mêmes. Pour toujours.
Top 5
1. Shining (1980) de Stanley Kubrick
2. La Mouche (1986) de David Cronenberg
3. Les Frissons de l’Angoisse (1975) de Dario Argento
4. Carrie (1976) de Brian de Palma
5. Possession (1980) de Andrezj Zulawski
N.B. : si cela avait été un Top 10, les films suivants auraient pu y trouver une place, même si certains ne relèvent pas stricto sensu du genre du film d’horreur car ils possèdent quelques-unes des séquences les plus terrifiantes que j’ai pu voir : L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento, Pulsions, Blow Out, Body Double de Brian De Palma, Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme, Seven de David Fincher.