Le cinéma soudanais est plus que rare et son histoire ainsi que son présent sont tout autant ignorés, et ce fort injustement. Au travers d’une histoire personnelle, ce premier film expose un passé et une actualité qu’il est plus que nécessaire de connaître et qui devrait, si nous vivions dans un monde plus logique, être connu de tous.
Mona, une ancienne chanteuse populaire du Nord appartenant à la classe moyenne supérieure, qui vit avec son mari Akram, cherche à atténuer son sentiment de culpabilité pour avoir causé la mort d’un homme du Sud en employant Julia, la femme de ce dernier qui ne se doute de rien, comme femme de chambre.
Goodbye Julia, sans être un mauvais film, se distingue finalement plus par son utilité et sa nécessité d’instruire, d’informer, que par des qualités purement artistiques.
Il y a quelque chose de fortement shakespearien dans ce scénario où tous les ingrédients sont réunis pour nous conduire à un climax extrême. D’autant plus que, en dehors des destinées individuelles qui pourraient se dérouler dans d’autres époques, contrées, contextes, ce qui se joue et est exposé et dénoncé, relève de la plus grande importance, et nous ne parlons plus d’art pur mais d’un devoir de mémoire et de savoir. Par le biais de ce film, nous apprenons la violence et les iniquités soudanaises, où le racisme est hélas roi et les injustices quotidiennes. Bien que, si l’on ne s’en tient qu’à l’aspect artistique, ce premier film ne démérite pas, sans pour autant tenir du chef-d’œuvre, c’est vraiment ce que le réalisateur tient à dénoncer en se servant de l’art et du fictionnel que nous retenons, et c’est bien là son intention, et dans cette mesure, le but est atteint. Les personnages, tout particulièrement les deux femmes (actrices et personnages féminins vraiment écrits et mis en avant, ce qui est une qualité et relève, quelque part, du féminisme) et celui du mari de Julia injustement abattu, sont fort émouvants. Les relations entre chacun des protagonistes sont fortement empreints de non-dits. Le tabou et le secret règnent. Les actrices et acteurs excellent chacun dans leur registre, notamment les deux protagonistes principales. La mise en scène est assez sobre et simple, de même que la photographie.
Le scénario, extrêmement prometteur, aboutit hélas sur une fin décevante. Lorsque toutes les vérités, enfin, rendent gorge, les échanges (dialogues) et réactions (écriture scénaristique) sont certes crédibles mais ne versent pas dans le paroxysme émotionnel voulu et attendu durant tout le film. Entre les intentions et le résultat, il existe malheureusement un gouffre. Nous sommes infiniment moins touchés que ne le voudraient le réalisateur et nous-mêmes, surtout après une telle attente et de si forts enjeux dramatiques. C’est pour cela que Goodbye Julia, sans être un mauvais film, se distingue finalement plus par son utilité et sa nécessité d’instruire, d’informer, que par des qualités purement artistiques.
RÉALISATEUR : Mohamed Kordofani NATIONALITÉ : soudanaise GENRE : drame AVEC : Siran Riyak, Ger Duany, Eiman Yousif, Nazar Goma DURÉE : 120 mn DISTRIBUTEUR : ARP Sélection SORTIE LE : 8 novembre 2023