Good One : Pastorale américaine

A la grande exception des westerns, le cinéma américain est le plus souvent urbain. Cette tendance s’est encore davantage accentuée avec le Nouvel Hollywood (Coppola, Scorsese, De Palma, Spielberg, Lucas), groupe de cinéastes des villes qui faisaient l’impasse sur les grands espaces, contrairement à Cimino ou Eastwood. Pourtant il existe une veine pastorale dans le cinéma américain qui viendrait de Ford et passerait par La Nuit du Chasseur de Charles Laughton pour atterrir du côté de Terrence Malick, Cimino et Eastwood déjà mentionnés, puis ensuite Jeff Nichols, David Gordon Green, Kelly Reichardt. India Donaldson fait incontestablement partie de cette lignée un peu marginale mais essentielle. Avec Good one, beau film sélectionné à la Quinzaine des cinéastes, et couronné du Grand prix du meilleur long métrage américain indépendant du Champs Elysées Film Festival, par le jury de Rebecca Zlotowski, India Donaldson nous reconnecte à des sensations rares au cinéma : l’immersion totale dans la nature, l’absence de prétention et d’esbroufe, la délicate attention aux détails infinitésimaux, la vérité et la simplicité des émotions.

Sam, 17 ans, préférerait passer le week-end avec ses amis, mais elle accepte de rejoindre son père Chris, dans la région des montagnes Catskills de l’Etat de New York. Un endroit paradisiaque où Matt, l’ami de toujours de Chris, est hélas également convié.

Good one est ainsi un film précieux qui n’a l’air de rien pour les spectateurs peu attentifs mais recèle pourtant des trésors d’attention et de sensibilité

Avec Good one, on a donc l’impression rafraîchissante de partir en randonnée, en respectant le rythme naturel et la respiration des personnages. India Donaldson part à l’évidence sur les traces de Kelly Reichardt et de son fameux Old Joy mais s’en distingue par une attention exceptionnelle aux moindres détails. Sam, adolescente de 17 ans, part en voiture avec son père et l’ami de son père, vers les montagnes Catskills de New York. Il suffit ainsi de quelques kilomètres pour se dépayser totalement et de partir dans une quête rousseauiste.

Good one montre ainsi de beaux moments de temps suspendu, où l’on établit son campement, où on traverse un lac, où l’on marche simplement en se reconnectant à une nature oubliée. De beaux moments précieux comme le cinéma n’en avait pas montré, sans l’ombre en apparence d’un enjeu dramatique. On pressent pourtant que tout ne se passera pas de manière aussi idyllique pendant ce week-end improvisé. Au départ, Matt fait résonner quelques fausses notes car il ne parvient pas à convaincre son fils Dylan, de les accompagner. Il rejoint donc un peu ronchon Sam et Chris dans leur voiture. Mais cela paraît un épisode vite oublié face à la splendeur de la nature, merveilleusement photographiée par Wilson Cameron et rehaussée encore, si c’est possible, par la musique discrète, bucolique et enchanteresse de Celia Hollander.

A priori donc, Good one ne raconte rien et contrairement à beaucoup de films, cela fait du bien. Car ce rien nous confronte à l’essentiel : les liens entre les gens et la relation quasi-sacrée à la nature. Avec beaucoup de talent, India Donaldson, sans que ce soit jamais ennuyeux, nous montre les temps morts, les instants de vacuité, en se concentrant sur les corps, en particulier celui de Lily Collias, étonnante révélation du film, jeune fille en apparence ordinaire, dont le visage translucide, où on peut lire toutes les émotions et pensées, sans que le moindre mot soit prononcé, devient le plus beau, fascinant et extraordinaire des paysages.

Sam, Chris et Matt croisent un trio de randonneurs mais fausse piste, ces derniers se révèlent complètement inoffensifs et viendront partager une soirée au coin du feu avec nos protagonistes. Le danger ne viendra pas de là. Quelques signes viendront d’une conversation dans une cafétaria où Matt, ami rondouillard de Chris, le père de Sam, se montrera quelque peu intrusif, et affectera de la croire végane, alors que ce n’est pas le cas. Il ira encore plus loin en lui demandant si elle aime les filles, ce à quoi elle ne répondra pas. Matt représente ainsi celui qui voit du wokisme partout et a du mal à s’adapter au changement de mentalité. India Donaldson, sur la question du lesbianisme de Sam, ne tranchera pas et la laissera irrésolue dans un mystère quasi-entier.

Lorsque, au détour d’une soirée un peu tardive et alcoolisée, une remarque ouvertement sexuelle fait basculer les personnages vers une implosion qui se laissait prévoir, India Donaldson, au lieu de monter les choses en épingle et d’orchestrer une confrontation violente, préfère lisser la suite de son film, presque comme si de rien n’était. Sam fuit et se fait rejoindre par Chris et Matt. Sans éclats de voix, son père parvient à lui faire comprendre qu’il a compris la situation et qu’il est de son côté.

Good one est ainsi un film précieux qui n’a l’air de rien pour les spectateurs peu attentifs mais recèle pourtant des trésors d’attention et de sensibilité. Une belle promesse en vue des films suivants d’India Donaldson que nous sommes impatients de découvrir.

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RÉALISATRICE :  India Donaldson
NATIONALITÉ :  américaine 
GENRE : drame
AVEC : Lily Collias, James LeGros, Danny McCarthy
DURÉE : 1h30 
DISTRIBUTEUR : New Story 
SORTIE LE 13 novembre 2024