Il est des films dont la sortie en plein cœur de l’été vient à point nommé. C’est le cas de Gondola, nouveau long métrage géorgien du cinéaste allemand Veit Helmer dont peu d’œuvres étaient parvenues jusque dans nos salles auparavant (Baikonur en 2013, The Bra en 2018). A partir d’un scénario très ténu, il propose ici une bulle de poésie burlesque très agréable, d’une belle inventivité qui, à défaut d’être inoubliable, constitue un joli moment de cinéma.
Dans les montagnes de Géorgie, un téléphérique relie un village à une petite ville dans la vallée. Deux jeunes femmes, Iva et Nino, y sont employées et leurs cabines se croisent une fois toutes les demi-heures, ce qui leur occasionne à chaque fois un moment de bonheur et de fête.
Si un bon sujet ne fait pas toujours un bon film, force est de constater qu’une idée simple de départ peut (parfois) devenir un long métrage très agréable.
Une telle proposition tranche assez radicalement avec le tout-venant cinématographique, il faut bien le reconnaître. Si un bon sujet ne fait pas toujours un bon film, force est de constater qu’une idée simple de départ peut (parfois) devenir un long métrage très agréable. La première séquence pose d’emblée le décor : le transport (compliqué) d’un cercueil à travers la vallée, entre le village et la ville grâce au seul téléphérique existant. Cette situation cocasse n’est pas sans évoquer un certain cinéma burlesque, à l’humour parfois absurde (que n’aurait pas renié le Finlandais Aki Kaurismaki par exemple). De plus, l’absence de dialogues durant les 1h20 de projection constitue un choix réellement audacieux, le cinéaste privilégiant les gags visuels, tous aussi inventifs les uns que les autres, mais aussi misant sur les sons et les bruits (en premier lieu, ceux provoqués par les déplacements de la télécabine, ainsi que tous les mécanismes quelque peu datés) tout comme sur la musique, charmante et juste ce qu’il faut de romantique. On pense aussi fortement à Jacques Tati, réalisateur de génie à l’univers cinématographique si particulier mais qui a inspiré de nombreux cinéastes. Pour capter les émotions ressenties par ses deux personnages féminins, les mots sont, en effet, superflus. La caméra saisit surtout les échanges avec les yeux qui en disent long sur le désir qui monte. Surgissent alors de beaux moments de poésie, suspendus, décalés, à l’image d’ailleurs de la très belle affiche du film. Il faut d’ailleurs saluer la qualité de l’interprétation de Mathilde Irrmann et de Nino Soselia, dans le rôle des deux héroïnes amoureuses.
Surgissent alors de beaux moments de poésie, suspendus, décalés, à l’image d’ailleurs de la très belle affiche du film.
Tout au long de Gondola, Helmer laisse libre court à son esprit créatif et la fantaisie s’installe, comme en témoignent les protagonistes secondaires du film (que l’on voit par intermittence) : des enfants malicieux (qui reproduisent les sentiments des adultes), un homme en fauteuil souhaitant faire le voyage en téléphérique (et qui parviendra à ses fins d’une bien drôle de manière). Surtout, cœur du film, une romance se met patiemment en place, épousant le rythme du travail et du croisement des deux cabines qui intervient toutes les trente minutes dans la journée. L’autre originalité de Gondola réside dans le traitement de cette histoire d’amour entre deux personnes de même sexe, notamment lors de quelques rares (et belles) scènes intimes, qui montrent toute la bienveillance et la tendresse que Veit Helmer possède à leur égard. Derrière le burlesque, il est tout à fait pertinent d’y voir un beau message de tolérance et de liberté, à travers le portrait de ces deux femmes qui s’opposent constamment à leur patron, refusant de se laisser marcher dessus. A ce titre, le final, que l’on se gardera de dévoiler, sonne comme une belle victoire.
Derrière le burlesque, il est tout à fait pertinent d’y voir un beau message de tolérance et de liberté, à travers le portrait de ces deux femmes qui s’opposent constamment à leur patron, refusant de se laisser marcher dessus
Si Gondola n’est sans doute pas une œuvre majeure (mais est-ce si important ?), certains gags étant même un peu trop répétitifs, il n’en demeure pas moins une jolie fable, plaisante tout en étant inventive, au ton résolument léger, misant largement sur le pouvoir des images. Il témoigne également d’une certaine vitalité du cinéma géorgien (après l’excellent Sous le soleil de Koutaïssi, autre fantaisie signée Aleksandre Koberidze et sortie en 2022), loin de se limiter à Otar Iosseliani. Pour toutes ces raisons, et parce qu’il ne faut pas bouder son plaisir, il convient donc d’aller voir en salle Gondola.
RÉALISATEUR : Veit Helmer NATIONALITÉ : Allemagne, Géorgie GENRE : Romance poétique AVEC : Mathilde Irrmann, Nino Soselia, Niara Chichinadze DURÉE : 1h22 DISTRIBUTEUR : Destiny Films SORTIE LE 24 juillet 2024