Gloria ! : pop versus classique

Rares sont les films historiques qui traitent de musique. Amadeus ou plus récemment Il Boemo ont relevé le défi difficile de réaliser un film, réunissant ces deux difficultés majeures, la reconstitution historique et l’illustration musicale. C’est pourtant le choix courageux de Margherita Vicario pour Gloria! son premier film en tant que réalisatrice à 36 ans, après une carrière déjà bien remplie d’actrice, de chanteuse et de musicienne. Plutôt réussi, techniquement parlant, pour un premier film, Gloria!, même s’il n’est pas parfait, parvient à mettre en scène assez bien l’opposition puis la fusion entre musique savante et musique pop, en se livrant à de savoureux anachronismes volontaires.

Venise, au 18ème siècle. A l’Institut Sant’Ignazio, orphelinat et conservatoire pour jeunes filles, tout le monde s’agite en vue de la visite imminente du nouveau Pape et du grand concert qui sera donné en son honneur. Teresa, jeune domestique silencieuse et solitaire, fait alors une découverte exceptionnelle qui va révolutionner la vie du conservatoire : un piano-forte.

Plutôt réussi, techniquement parlant, pour un premier film, Gloria!, même s’il n’est pas parfait, parvient à mettre en scène assez bien l’opposition puis la fusion entre musique savante et musique pop, en se livrant à de savoureux anachronismes volontaires.

Pour un premier film, Gloria! s’avère extrêmement bien réalisé, ne pâlissant pas trop devant les exemples précités, du point de vue de la photographie, de la direction artistique ou du découpage. L’impression de se retrouver plongé au coeur du XVIIIème siécle est tangible, bien loin des reconstitutions poussiéreuses et sclérosées de beaucoup de films historiques. Margherita Vicario a su rendre à l’écran cette époque vivante, en l’incarnant par des jeunes filles, orphelines apprenant la musique au sein d’une institution religieuse. Grâce à Galatea Bellugi (Teresa), formidable de présence et de justesse dans Chien de la casse ou La Passion de Dodin Bouffant, toujours parfaite et radieuse, et ses quatre acolytes, toutes remarquables, Gloria! permet de voir le XVIIIème siècle à travers les yeux de cinq jeunes femmes, un peu comme si c’était Virgin suicides ou Mustang,

Margherita Vicario se ménage même le luxe de jolis anachronismes, un peu à la manière de Marie-Antoinette de Sofia Coppola, en donnant à sa bande-son des tonalités jazzy voire électro ou techno. On ne comprend pas trop comment des puristes historiques peuvent reprocher à Vicario ces anachronismes tant ils sont gorgés d’un humour assez fin. Elle parvient à mettre en scène de brillante manière cet antagonisme qui ne fera que grandir entre musique savante et musique populaire, l’une l’emportant largement jusqu’à l’arrivée du dodécaphonisme et de la musique contemporaine. A la fin du film, on parvient progressivement à une sorte de fusion entre les deux, qui pourrait s’apparenter à la musique de Joanna Newsom, de Björk ou d’Aurora.

On peut reprocher au film de Margherita Vicario un certain manichéisme (le maître de musique étant plus que caricatural) et le fait que les sous-intrigues liées à ce personnage s’avèrent très vite superflues. Ce serait oublier la véritable réussite du film, lorsque les quatre concertistes se rassemblent avec Teresa, la domestique qui cache un lourd secret derrière son mutisme, dans une petite salle sombre autour d’un piano-forte et inventent devant nous leur musique. Que la musique soit pop ou savante, Gloria! représente un hommage vibrant à ces musiciennes dont les vies et compositions se sont perdues entre les pages de l’Histoire.

3

RÉALISATRICE : Margherita Vicario 
NATIONALITÉ :  italienne 
GENRE : musical, historique 
AVEC : Galatea Bellugi, Carlotta Gamba, Veronica Lucchesi, Maria Vittoria Dallasta, Sara Mafodda, Paolo Rossi
DURÉE : 1h46 
DISTRIBUTEUR : Nour Films
SORTIE LE 12 juin 2024