Glass Onion : une histoire à couteaux tirés : le syndrome du confinement

Après l’immense succès d’A couteaux tirés de Rian Johnson, Netflix s’est emparé de la franchise en achetant les droits des deux volets suivants. Les fans de Benoit Blanc attendaient donc avec impatience les nouvelles aventures de leur détective préféré sur la plateforme. Du fait de ses atouts (distribution étincelante, mise en scène et scénario au cordeau, intrigue « whodunnit » palpitante), on peut s’avérer surpris de ne pas voir ce blockbuster débarquer au cinéma mais l’argent a ses raisons que le 7ème Art ne connaît point. Rian Johnson, grand détourneur de genres devant l’Eternel, a d’emblée conçu ce deuxième volet comme une intrigue différente de la précédente. Alors qu’A couteaux tirés respectait plus ou moins les règles du whodunnit, en y ajoutant un saupoudrage assez généreux de critique sociale, Glass Onion semble le dynamiter de l’intérieur, en le délaissant presque et en se consacrant à la critique des nouveaux riches et des rois de la cybersphère.

Direction la Grèce pour le célèbre détective Benoit Blanc, qui doit élucider un mystère entourant un milliardaire de la technologie, Miles Bron, qui convie son groupe d’amis hauts en couleur à résoudre l’énigme de sa…mort!

Alors qu’A couteaux tirés respectait plus ou moins les règles du whodunnit, en y ajoutant un saupoudrage assez généreux de critique sociale, Glass Onion semble le dynamiter de l’intérieur, en le délaissant presque et en se consacrant surtout à la critique des nouveaux riches et des rois de la cybersphère.

Cette fois-ci, Benoit Blanc est invité sur une île grecque par un milliardaire pour résoudre l’énigme de son assassinat. Très vite, le whodunnit est éventé, avec multiples rebondissements et retournements de situation, dont un évoquant ni plus ni moins que Vertigo d’Hitchcock. L’essentiel du film se concentre alors sur la satire d’une nouvelle aristocratie, non plus celle vieillotte et désuète du Massachusetts, mais celle issue des réseaux sociaux et des nouvelles technologies. L’un des grands plaisirs de Glass Onion consiste ainsi en la caricature de Ellon Musk, s’il n’était déjà devenu un peu sa propre caricature dans la vraie vie. Homme le plus riche du monde, président de Tesla et récent propriétaire de Twitter, ce dernier se voit terriblement dépeint dans le film sous les traits d’un ogre égocentrique et narcissique, ne résistant à l’appel d’aucun de ses caprices, cf. le fait d’emprunter tout simplement la Joconde au Louvre. Edward Norton (Fight Club, La 25ème heure), toujours aussi excellent, se délecte à interpréter avec suavité Miles Bron, milliardaire plus vrai que nature.

Par conséquent, Glass Onion se focalise davantage sur la satire des nouveaux riches et des milliardaires de la technosphère, que sur son intrigue policière. L’intrigue se résumera très vite à un affrontement entre Miles Bron et le personnage interprété par Janelle Monae (musicienne surdouée qui se révèle plutôt bonne actrice). Les autres acteurs feront au pire de la figuration, au mieux tiendront des rôles de complément, ce qu’on peut regretter surtout pour Kathryn Hahn, magnifique comédienne ici extrêmement sous-exploitée, et Kate Hudson qui, pour son grand retour, n’a pour autre partition à jouer que celle d’une virago hystérique qui ne fait que hurler à longueur de plan.

Glass Onion s’apparente en fait à une série de films qui semblent avoir été conçus à partir de l’expérience du confinement : isolement sur une île déserte ou non, rapports de pouvoir entre les participants de l’expérience, critique assez évidente d’une classe sociale aisée et abusant de ses privilèges. Le Menu de Mike Mylod ou Sans Filtre de Ruben Ostlund font à l’évidence partie de cette même lignée de films. Même si Glass Onion s’avère bien plus réussi que Le Menu dans cette charge contre les nouveaux riches, il l’est nettement moins que Sans Filtre, bien plus explosif et mieux réalisé. De la même manière, on peut considérer que Glass Onion dépasse de très loin les aventures d’Hercule Poirot remises au goût du jour par Kenneth Branagh mais qu’il est comparativement inférieur à A couteaux tirés, bien plus efficace, qui ne se diluait pas dans la satire. Ici, comme dans Dont look up, on se trouve face à un spectacle plutôt réjouissant et iconoclaste mais qui s’étire de manière interminable durant deux heures vingt, ce qui est franchement rédhibitoire pour une comédie qui ne devrait pas dépasser les deux heures (demandez à Billy Wilder). On a l’impression que Netflix ne sait pas couper ses films et les laisse s’étendre sur des durées inappropriées. Tel quel, Glass Onion déverse une bonne dose d’agressivité punk (la scène où Monae finit par tout briser dans le salon de Miles Bron) mais dilue en fait sa révolte et sa colère sous un glacis formel de bon aloi. La vraie provocation n’est peut-être celle que l’on croit.

3.5

RÉALISATEUR :  Rian Johnson 
NATIONALITÉ : américaine 
GENRE :  comédie, polar 
AVEC : Daniel Craig, Edward Norton, Janelle Monae, Kathryn Hahn, Kate Hudson
DURÉE : 2h20 
DISTRIBUTEUR : Netflix 
SORTIE LE 23 décembre 2022