Furiosa : une saga Mad Max : au-delà de la vengeance

Autre grand événement très attendu du 77ème Festival de Cannes, Furiosa : une saga Mad Max représente le retour de George Miller, presque dix ans après le triomphe universel, public et critique, de Mad Max Fury Road, devenu un classique absolu du film d’action post-apocalyptique. La question était quasiment sur toutes les lèvres : George Miller allait-il rééditer ce coup d’éclat, ce quatrième volet de la saga dépassant largement tous les autres volets de la franchise? Oui et non. Non parce que, à quelques détails près sur lesquels nous reviendrons, George Miller innove moins ici que dans Mad Max Fury Road, reprenant la plupart des composantes de l’univers visuel déjà conçu antérieurement. Oui car Furiosa est probablement l’une des meilleures, sinon la meilleure, prequelle(s) jamais produite(s), George Miller reproduisant la même prouesse avec dix ans de plus.

Dans un monde en déclin, la jeune Furiosa est arrachée à la Terre Verte et capturée par une horde de motards dirigée par le redoutable Dementus. Alors qu’elle tente de survivre à la Désolation, à Immortan Joe et de retrouver le chemin de chez elle, Furiosa n’a qu’une seule obsession : la vengeance.

Furiosa devient un mythe avec ce film, une héroïne à la mesure de notre époque.

En effet, rarement une préquelle aura aussi bien raccordé avec sa suite qui l’a précédée, des plans du précédent film jalonnant le générique de fin de Furiosa. George Miller reprend la plupart des éléments esthétiques qui ont fait le succès de Mad Max Fury Road, pour l’essentiel, des scènes de cavalcades motorisées dans le désert, à couper le souffle. Avec ce volet, il avait surclassé avec une facilité insolente les précédents volets de la franchise, tous tournés entre 1979 et 1985 : une banale mais efficace histoire de vengeance dans le premier volet, une ambiance apocalyptique entre factions rivales dans le deuxième (le meilleur avant Fury Road), et un troisième volet un peu vieilli aujourd’hui avec la coupe démodée de Mel Gibson et la présence décalée de Tina Turner.

Pourtant George Miller ne s’est pas contenté de reproduire la même recette. Il a su éviter le piège du de-aging qui aurait pu rajeunir numériquement Charlize Theron et a préféré engager une Anya Taylor-Joy très convaincante dans le rôle de Furiosa jeune. Il a aussi considérablement amélioré l’aspect visuel de son cinéma, variant davantage les effets et situant le film dans une coloration plus dorée qu’auparavant. Sur le plan narratif, il prend également des risques, recourant pour la première fois à la narration chapitrée (eh oui, comme Woody Allen et Lars Von Trier) et ménage des plages de quiétude, alors que Fury Road ressemblait à une course-poursuite ininterrompue. Miller donne surtout à Furiosa une atmosphère mythologique qui n’existait que très peu auparavant. Les personnages ont d’emblée une dimension légendaire, ce qu’on entend d’ailleurs dans une réplique de Dementius, le seigneur tyrannique et sanguinaire, et Furiosa : « as-tu de quoi devenir un mythe?« . Autre prise de risques, les cinquante premières minutes sont consacrées à l’enfance et l’adolescence de Furiosa, Anya Taylor-Joy n’apparaissant que dans l’heure et demie suivante. On découvrira donc comment Furiosa a abandonné sa chevelure et hérité d’un bras gauche mécanique.

A presque 80 ans, George Miller paraît, contrairement à d’autres de la même génération et bien plus considérés (Coppola, par exemple, lors du même Festival de Cannes), se trouver en plein épanouissement créatif, ce qui fait un plaisir fou à constater. Par rapport à toute l’oeuvre de George Miller, Furiosa ressemble fort à un aboutissement du point de vue du féminisme et de l’inversion des rôles et du pouvoir, ainsi qu’à de la maturité, la finalité se situant désormais au-delà de la vengeance. Alors que dans le premier Mad Max, l’épouse assumait un rôle de victime sacrifiée, et que dans les autres volets, les femmes prenaient un rôle de plus en plus important (Tina Turner et Charlize Theron), Furiosa prend manifestement le premier plan ainsi que le pouvoir au sein de la saga. Elle devient un mythe avec ce film, une héroïne à la mesure de notre époque.

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RÉALISATEUR : George Miller
NATIONALITÉ :  australienne 
GENRE : action, science-fiction 
AVEC : Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke, Alyla Browne
DURÉE : 2h28 
DISTRIBUTEUR : Warner Bros France 
SORTIE LE 22 mai 2024