Fuori : courage, fuyons!

Lors de cette dernière décennie, le cinéma italien s’est résumé à quelques noms emblématiques : les vétérans Nanni Moretti et Marco Bellochio, Alice Rochwacher, la grande révélation de ces dernières années et le toujours controversé Paolo Sorrentino. Mario Martone, au contraire, n’a guère marqué les esprits : une modeste sélection en compétition il y a deux ans pour Nostalgia, passée presque inaperçue. Cette année, privée de ses ténors et sopranos habituels, le cinéma italien a dû se rabattre sur ce artisan humble et discret. Fuori est pourtant sur le papier un projet alléchant : la vie de Goliarda Sapienza, autrice italienne renommée, mondialement révérée pour son oeuvre culte, L’Art de la Joie. Un tel projet aurait même pu être l’émanation d’une jeune réalisatrice féministe, dans l’air du temps. Malheureusement, presque rien n’est à sauver de ce biopic académique, boursouflé, où Valéria Golino, pourtant bonne actrice, peine à restituer la flamme originelle de la personnalité de Sapienza.

Rome. Années 80. Goliarda Sapienza travaille depuis 10 ans sur ce qui sera son chef-d’œuvre « L’Art de la joie ». Mais son manuscrit est rejeté par toutes les maisons d’édition. Désespérée, Sapienza commet un vol qui lui coûte sa réputation et sa position sociale. Incarcérée dans la plus grande prison pour femmes d’Italie, elle va y rencontrer voleuses, junkies, prostituées mais aussi des politiques. Après sa libération, elle continue à rencontrer ces femmes et développe avec l’une d’entre elle une relation qui lui redonnera le désir de vivre et d’écrire.

Dès l’entame du film, le premier carton qui résume l’existence de Goliarda Sapienza, sa relation contrastée avec ses parents, sa carrière de comédienne, son séjour en hôpital psychiatrique et ses électrochocs, suite à la mort de sa mère, etc., le défaut de conception du film saute aux yeux. Comment n’avoir pas raconté tout cela qui se trouve résumé platement sur un carton, dans le biopic de l’écrivaine? Elle qui semble avoir vécu une dizaine de vies différentes se trouve résumée en un délit et une incarcération. Certes, ces faits vont faire basculer sa vie.

Il ne s’agit pas pour autant, pour traiter de la vie d’une femme aussi multiple, d’adopter une forme aussi conventionnelle et académique. Mario Martone a fait un film dans l’air du temps en mettant en avant une sororité au goût du jour, à travers le compagnonnage fructueux de Goliarda Sapienza et de ses codétenues pendant son emprisonnement. Hélas, cette sororité, ce beau souci, ne constitue qu’une vitrine pour cacher du vide cinématographique. Le spectateur aura la désagréable impression d’en savoir encore moins sur Goliarda Sapienza, en sortant de la salle, qu’avant d’y être entré. La relation teintée de lesbianisme entre Sapienza et Roberta s’avère finalement peu crédible à l’écran. Valeria Golino, pourtant actrice honorable, ne parvient aucunement à capter la flamme de Goliarda Sapienza, la véritable autrice que le metteur en scène a l’idée regrettable de montrer au générique de fin de son film, en intervention dans une émission de télévision. La comparaison devient alors désastreuse.

Reste un point positif, l’excellente utilisation dans la bande-son du film de cinq magnifiques chansons de Robert Wyatt, qui permettent de comprendre la folie douce que Martone aurait souhaité insuffler à son film. Comme quoi l’utilisation d’une thématique d’actualité ne suffit nullement à garantir la qualité d’un spectacle cinématographique, mais a minima a permis une sélection en compétition à Cannes.

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RÉALISATEUR : Mario Martone 
NATIONALITÉ :  italienne 
GENRE : biopic, drame 
AVEC : Valeria Golino, Matilda de Angelis, Elodie 
DURÉE : 1h57 
DISTRIBUTEUR : Le Pacte 
SORTIE LE 3 décembre 2025