Présenté à l’ACID au dernier Festival de Cannes, Fotogenico est un long métrage réalisé par le duo Marcia Romano et Benoit Sabatier, après une trilogie à Marseille inédite en salles (Le Moral des troupes, Amore synthétique et Pastis brut). Une œuvre aux accents pop, queer et même punk, dont les inspirations sont multiples et qui constitue une déambulation originale dans la cité phocéenne.
Raoul retourne à Marseille un an après la mort de sa fille, Agnès. Il va découvrir qu’elle lui a menti sur toute la ligne et que ce n’était pas une jeune femme en stage d’avocat mais une aspirante rockstar avec des problèmes de drogue. Inspiré par son parcours, il va tenter de reformer le groupe de musique que sa fille avait créé avec des membres désormais désunis.
Cette comédie dramatique imprime la rétine par son côté extravagant, tant au niveau de sa forme, foutraque et résolument en mouvement, que de ses personnages hauts en couleur
Sur la Croisette, la sélection de l’ACID présente régulièrement des œuvres originales, dont la singularité (pour ne pas dire la fragilité) sonne souvent comme une belle promesse. Fotogenico en fait incontestablement partie. Cette comédie dramatique imprime la rétine par son côté extravagant, tant au niveau de sa forme, foutraque et résolument en mouvement, que de ses personnages hauts en couleur. Raoul rencontre ainsi les amies de sa fille, son ancienne compagne et un dealer étrange qui aime la poésie et se rêve en écrivain brillant. Chacun apparaît tantôt agaçant, tantôt touchant par sa fragilité mais aussi par son caractère. Raoul déambule dans un milieu qui ne lui est pas familier mais auquel il finit par s’attacher (sans doute une façon pour lui d’apprendre à mieux connaitre, de manière indirecte, celle dont on parle alors qu’elle n’est plus là), un peu comme le spectateur devant cette œuvre. C’est un personnage intriguant dès le départ, qui est confronté à des situations pour le moins saugrenues, un marginal aux nombreuses addictions auquel Christophe Paou apporte toute la complexité requise. Ce qui ne l’empêche pas d’y ajouter une belle sensibilité. Il en devient finalement très touchant et même bouleversant dans la quête qu’il semble s’être fixée, à savoir, la redécouverte de sa fille qu’il connaissait visiblement très mal.
La mise en scène, inventive et survitaminée, épouse complètement le voyage de Raoul dans un univers loufoque au sein d’une métropole filmée différemment, loin des clichés qui lui collent durablement à la peau
La mise en scène, inventive et survitaminée, épouse complètement le voyage de Raoul dans un univers loufoque au sein d’une métropole filmée différemment, loin des clichés qui lui collent durablement à la peau. On est loin de l’image touristique. A ce titre, l’esthétisme du film est elle aussi assez excentrique avec un travail sur la lumière et les contrastes particulièrement réussi (signalons le travail remarquable de Nicolas Eveilleau, le chef opérateur). Il en va de même du montage dynamique et de l’utilisation de la musique électro entêtante signée Froid Dub. Signalons enfin l’origine du titre du long métrage, qui est celui de groupe de musique : une référence à un film de Dino Risi, Sono Fotogenico, « un drôle de nanar » pour Benoit Sabatier.
L’ensemble vire parfois à la comédie et au burlesque mais sans se départir néanmoins d’une mélancolie ou d’une certaine tristesse qui constitue l’une des qualités de Fotogenico, comme l’illustre parfaitement la fin, vraiment très belle.
En définitive, Fotogenico, qui se situe adroitement à mi-chemin entre le film indépendant à l’américaine (tendance Sundance) et le trip sous acide, est une jolie réussite, jamais moralisatrice, qui mérite largement le détour et qui donne envie de suivre, à l’avenir, le parcours cinématographique (décalé) de Marcia Romano et Benoit Sabatier.
RÉALISATEUR : Marcia Romano, Benoit Sabatier NATIONALITÉ : France GENRE : Comédie dramatique AVEC : Christophe Paou, Roxane Mesquida, Angèle Metzger DURÉE : 1h36 DISTRIBUTEUR : JHR Films SORTIE LE 11 décembre 2024