Florian Le Tavernier et Arthur Rupert Meinsfeld : critique des œuvres

Après l’entretien-portrait, voici donc un nouvel article présentant les trois réalisations de Florian Le Tavernier et Arthur Rupert Meinsfeld. MovieRama recommande vivement ces œuvres, qui permettent de voir à quel point les sujets sociétaux sont importants.

Phantasme :

Ce court-métrage, d’une durée de deux minutes, réussi, est un modèle du genre. En un temps assez court, et avec un plan-séquence formidable, Phantasme parvient à exprimer un nombre important de choses, ce message social si vital et fondamental pour notre duo. Avec cet homme bien habillé et ce sans domicile fixe vivant dans le dénuement complet, le contraste entre la pauvreté et un milieu plus aisé devient saisissant. Deux mondes opposés rentrent en collision, se rencontrent. À travers cette connexion, les cinéastes provoquent un impact certain chez le spectateur, qui y voit un fossé se creusant encore davantage entre les classes sociales. Cette pluie forte et ce ciel parisien gris ne sont que des éléments prouvant la morosité d’une vie dans la rue. Comme un symbole de cette précarité visible ou invisible pour beaucoup, dans une rue où se trouve ce restaurant « La Rêverie ». Assis à côté des tables, Régis, un vrai sans-abri, se place ici en opposition face à la société de consommation, aux personnes ayant les moyens de s’attabler puis de manger, un décalage frappant montrant surtout le visage marqué d’un homme. Face à lui, une personne s’avance, lâchant des indices sur sa situation sociale plus confortable, Veste, tenue un peu bourgeoise, belles chaussures et magnifique chapeau, cette personne s’avance, avec comme point de mire ce pauvre homme assis par terre. Ce personnage affiche tout du long une forme de générosité, donne son vêtement à une femme, symbolisant probablement les expériences de notre duo dans le secteur associatif. Ce monsieur, dont nous ne connaissons pas le nom, est un exemple de don de soi, sa démarche, ses attitudes valorisant son envie de partir à la rencontre d’un monde qui n’est pas le sien. La caméra suit ses mouvements, jusqu’à ce restaurant, avec une voix, celle de Régis, racontant les souhaits et les rêves, ce texte accompagnant, presque harmonieusement, les déambulations de l’homme au chapeau, les paroles se mélangeant à cet acte solidaire. L’utilisation du plan-séquence se justifie, car il met bien en valeur cette rencontre sociale, tout en permettant d’exprimer un maximum de choses à l’écran. Bien sûr, la présence d’un sans-abri émeut, ce qu’il dit évoquant nombre de problématiques sociétales, ce mal-être des habitants de la rue.

Entomos phagos :

Changement de style, avec un registre plus comique, prouvant que le duo veut s’essayer à tous les genres. Ce court-métrage est rythmé et comporte cette référence à Brice de Nice, incarné par Jean Dujardin. Cette petite scène dans ce restaurant possède drôlerie et burlesque. On s’amuse avec ces croque-monsieur et madame, toutefois les répliques cachent un message écologique. À l’heure où la planète subit un dérèglement climatique, Entomos phagos ne cesse de rappeler les néfastes attitudes humaines, disant que les insectes ont un faible impact sur l’environnement. Il est impossible de ne pas faire un parallèle avec ce que nous subissons actuellement. Comme dans Phantasme, l’écriture condense tout en deux minutes. Florian Le Tavernier et Arthur Rupert Meinsfeld s’amusent à évoquer un sujet complexe tout en gardant ce zeste d’hilarité, cette scène ressemblant à un comique de situation. Difficile de faire rire avec un tel thème ! Le cinéma abonde de cette pratique, de provoquer des sourires et des émotions, ce que le duo réussit avec cette réalisation. Finement écrit, avec des paroles complètement en décalage (le gras, c’est la vie), les textes traduisent toutefois les quelques travers des comportements humains, environnementaux ou alimentaires.

Double peine :

Ambiance plus sombre, avec Double peine, plus long (11 minutes), dans lequel l’influence de Quentin Tarantino se sent. Soucieux de créer une atmosphère lugubre, anxiogène, nos cinéastes prometteurs produisent une œuvre aboutie instaurant une forme de claustrophobie, d’abord dans cette chambre où un frère voit sa sœur partir pour une soirée d’intégration. Avec une photographie grise, nous sommes irrémédiablement plongés dans un petit thriller convaincant, sur fond de GHB, la drogue du viol. Le scenario nous emmène dans une direction surprenante, tout simplement dans le parking de cet immeuble, où trois hommes étranges retiennent la jeune femme en otage derrière une porte. Difficile d’en dire plus. Le duo joue la carte de la violence suggérée, tout aussi efficace et qui fait appel à l’imagination du public. Nous parlions lors de l’entretien du film Réservoir Dogs. Double peine s’inspire de ce film culte, prenant un simple parking comme décor pour décrire toute une tension ambiante. L’écriture reste audacieuse, ne distillant aucune information sur ces hommes louches, mais pointe du doigt le problème du GHB, fréquemment utilisée. Sous son aspect choc et percutant, Double peine expose ce problème sévissant encore et est si bien fait que l’on regrette presque qu’il ne dure pas plus longtemps. Avec cette œuvre, le duo franchit un palier, avec un format plus long, ce qui leur procure la possibilité d’affiner un style, et ainsi de se préparer à un futur long-métrage.

MovieRama vous a proposé la découverte de ces deux artistes, un excellent duo, à suivre durant ces prochaines années et, espérons-le, sur grand écran !

 

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RÉALISATEUR : Florian Le Tavernier, Arthur Rupert Meinsfeld
NATIONALITÉ :  France
GENRE : 
AVEC : 
DURÉE : 
DISTRIBUTEUR : 
SORTIE LE