Nous terminons nos chroniques de ce Festival, avec les deux derniers films visionnés. Tout d’abord, Atlantique, de Mati Diop (Grand Prix au Festival de Cannes 2019, nommé dans la catégorie du meilleur premier film aux Césars 2020), nous plonge dans un univers de possession, où les Djinns s’emparent des esprits, les yeux devenant d’un blanc inquiétant. La cinéaste franco-sénégalaise s’approprie le thème de l’emprise démoniaque, pour réussir un film de genre troublant, où les morts reviennent hanter les vivants. Mati Diop parle de ces Djinns, créatures issues de la mythologie arabique, en leur donnant un aspect plus humain que maléfique. Pourtant le symbole de la déshumanisation, ils deviennent ici les gentils messagers d’une vengeance divine, destinée à apaiser les âmes de ces hommes morts dans une pirogue de fortune, et dont les fantômes se manifestent par le contrôle du corps et de la pensée. Répondant à un schéma classique, Atlantique se distingue par ce récit unique, dépoussiérant les codes de l’épouvante, proposant alors une œuvre se focalisant sur la mémoire des morts et ne cherchant jamais à créer une forme de peur dans le regard du spectateur. Au contraire, ce film intéressant est autant un drame qu’un film de genre, puisqu’il est surtout question de travail misérable, de migrations, et d’une histoire d’amour assez forte. Cependant, le film est traversé par les symboliques de la religion, des croyances, de la spiritualité.
Gagarine, de Fanny Liatard et Jeremy Trouilh (présenté au Festival de Cannes 2020, Lumière 2022 du meilleur premier film), nous propose un voyage entre terre et espace, dans la cité Gagarine d’Ivry-sur-Seine, ciblée par un projet de démolition. Face à cette volonté de réduire lé béton en fumée, un jeune habitant, passionné par les moindres détails de cet ensemble architectural, se bat contre l’idée de voir son immeuble disparaître. Attiré par le cosmos et les aventures spatiales, il transforme ce lieu cher à son cœur en véritable fusée, rendant un dernier hommage à ces habitations vouées à la disparition. Œuvre avec une portée sociale, expliquant les besoins de restructurations urbaines et de réhabilitations, narrant l’attachement de toute une population défavorisée pour cette résidence massive, Gagarine raconte aussi l’importance de ces cités, ce lieu de vie, ce petit cocon, ce genre de construction représentant un pan majeur de l’existence de toutes ces personnes qui n’ont connu qu’un seul endroit. Émouvant, mais tout aussi révélateur de la crise du logement, ce beau film ouvragé nous montre un touchant témoignage d’affection et de tendresse, expose des personnages, des survivants plutôt que des vivants, habitués à vivre avec si peu, se raccrochant aux murs. Aussi, le film fait référence à Youri Gagarine, connu pour avoir été le premier homme dans l’espace. Multipliant les métaphores, les clins d’œil au monde des cosmonautes, les deux cinéastes transforment ce film en aventure spatiale, les décors étant une invitation à l’exploration et à la découverte des étoiles et des contrées lointaines.