On avait remarqué le charme et la pétulance de Charlotte Le Bon lors de ses apparitions fulgurantes de Miss Météo de Canal Plus pendant une année puis en tant qu’actrice remarquée lors des dix dernières années qui ont suivi. A tort, on ne l’imaginait pas forcément mélancolique. Comme quoi l’écriture et la création révèlent souvent la véritable personnalité des êtres. C’est pourtant bien la mélancolie qui règne en princesse solitaire dans son tout premier long métrage, Falcon Lake, qui permet de changer complètement de regard sur elle. En adaptant le roman graphique de Bastien Vivès, Charlotte Le Bon y a trouvé le matériau nécessaire pour exposer ses pensées et sa véritable personnalité. En partant d’un schéma classique de teen movie d’horreur (des adolescents en vacances, un danger qui rôde), elle parvient à nous surprendre en captant comme rarement l’ont été, les émois de l’adolescence, les premiers élans, la timidité, la frayeur devant la sexualité.
En vacances, près d’un lac au Canada, enfants de familles amies, Chloé et Bastien partagent la même chambre d’un chalet. Elle a seize ans, lui en a treize. Elle est obsédée par l’histoire d’un adolescent qui se serait noyé dans le lac. Lui commence par être obsédé par elle…
Premier film qui témoigne de la beauté des commencements, Falcon Lake évoque par la pureté de ses émotions, plus que par son sujet, A Ghost story de David Lowery et révèle une authentique cinéaste qui possède un bel avenir devant elle.
Falcon Lake est le type-même de film caché. L’intrigue de départ semble rappeler le prétexte dramatique de nombreux teen movies d’horreur, (Scream, Souviens-toi l’été dernier) : des adolescents confrontés à l’éveil de leurs sentiments et leur sexualité en effervescence et la montée de leurs sentiments, une menace qui plane, Ce n’est en fait qu’une fausse piste pour que Charlotte Le Bon nous accroche et nous emmène ailleurs, plus loin. Car Falcon Lake est en fait un film romantique qui nous évoque les amours non partagées, les illusions perdues, les déceptions immenses et les enthousiasmes non moins extraordinaires de l’adolescence.
Tout cela, Charlotte Le Bon parvient à le capter en filmant ses adolescents très près du corps, dans des vignettes carrées évoquant la bande dessinée qu’elle adapte, en laissant respirer et vivre au naturel ses comédiens ainsi que la nature sauvage, mystérieuse et imposante. Ce faisant, elle parvient sans montrer un centimètre carré de peau dénudée à susciter une sensualité d’autant plus ravageuse qu’elle n’est jamais ostentatoire. Par conséquent, elle démontre de rares qualités de réalisatrice à l’oeuvre dans Falcon Lake : montrer des sentiments sans passer par le dialogue, créer une atmosphère tant visuelle que sonore, permettre une double lecture de séquences (l’elliptique séquence finale) selon les pensées conscientes et inconscientes du spectateur.
Charlotte Le Bon s’illustre également par une direction d’acteurs hors pair : Sara Montpetit, troublante de sensualité innocente, et Joseph Engel, excellent dans la rétention d’émotions, devraient aller loin par la suite, tant ils incarnent à la perfection des personnages qui ressemblent à des archétypes adolescents, la fille qu’on croit libérée et qui ne l’est pas tant que cela, et le garçon coincé qui vit un amour platonique que sa bien-aimée ne remarque même pas.
Premier film qui témoigne de la beauté des commencements, Falcon Lake évoque par la pureté de ses émotions, plus que par son sujet, A Ghost story de David Lowery et révèle une cinéaste qui possède un bel avenir devant elle. En partant d’un synopsis de film de genre, Charlotte Le Bon finit sans avoir l’air d’y toucher, par boucler la boucle car comme dans Sixième sens ou Les Autres, les fantômes les plus réels sont ceux qu’on ne remarque jamais, ceux qui se trouvent juste sous nos yeux.
RÉALISATEUR : Charlotte Le Bon NATIONALITÉ : française, canadienne AVEC : Sara Montpetit, Joseph Engel, Monia Chokri GENRE : Comédie dramatique, romance DURÉE : 1h40 DISTRIBUTEUR : Tandem SORTIE LE 7 décembre 2022