Et plus si affinités : un air de famille

Les rapports entre le cinéma et le théâtre paraissent parfois très conflictuels. Pourtant ces deux arts rivaux du spectacle ne cessent de s’alimenter et de s’enrichir l’un l’autre. On peut citer entre autres Sacha Guitry qui, homme de théâtre, a donné nombre de chefs-d’oeuvre au cinéma et l’on oublie souvent que beaucoup de classiques hollywoodiens viennent d’adaptations de pièces ayant connu leur heure de gloire à Broadway. Passés un peu inaperçus avec Jumeaux mais pas trop, leur coup d’essai, Olivier Ducray et Wilfried Méance, nouveau tandem d’auteurs comiques, ne le resteront pas avec Et plus si affinités qui a remporté quatre prix mérités au Festival de l’Alpe d’Huez : prix spécial du jury, prix du public, prix d’interprétation féminine et prix d’interprétation masculine.

Usé par vingt-cinq ans de vie commune, le couple formé par Xavier et Sophie semble à bout de souffle. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’idée de Sophie d’inviter à dîner leurs voisins, Adèle et Alban, n’enchante pas Xavier. Il reproche à ce couple, visiblement très amoureux, son manque de discrétion, surtout la nuit ! Au contact de ces voisins aux mœurs débridées, Xavier et Sophie vont devoir se confronter à leur réalité, avant d’être poussés dans leur retranchement par une proposition quelque peu… indécente.

Divertissement d’excellent niveau, Et plus si affinités permet d’interroger les failles du couple, tout en ménageant à la fin un joli moment d’émotion.

L’usure du couple a souvent offert au cinéma des drames psychologiques pesants. Ducray et Méance renouvellent la donne en en faisant pour une fois un prétexte comique. Leur film, huis clos sur les moeurs conjugales, peut faire penser à des succès plus ou moins récents du box-office tels que Le Prénom ou Le Dîner de cons, adaptations cinématographiques de grands succès théâtraux. Et plus si affinités peut davantage évoquer les réussites d’écriture vachardes, cruelles et humanistes du duo Jaoui-Bacri (Cuisines et dépendances, Un air de famille), qui savait appuyer où cela faisait mal, avec pourtant une finesse de touche qui restituait toute la dimension émotionnelle de leurs personnages.

On y pense forcément avec dans Et plus si affinités un Bernard Campan des grands jours, qui fait parfois surgir le spectre bienveillant du Bacri tendre et grincheux qui ne cesse de manquer au cinéma. Ducray et Méance ont eu l’excellente idée de reformer ici le tandem de Se souvenir des belles choses, en faisant appel à la délicate et sensible Isabelle Carré qui parvient sans effort à soutenir le rythme comique effréné de son partenaire. On lui doit les beaux moments d’émotion du film, par exemple lorsqu’elle demande à son conjoint de la toucher, comme s’ils étaient un couple. Moins connus pour l’instant, la brillante et belle Julia Faure, à la voix rauque d’une sensualité à damner un saint, et Pablo Pauly, excellent dans le registre du séducteur libertin, se montrent parfaitement au diapason de Carré et Campan, en gagnant une densité existentielle inédite par rapport au film originel.

Car Et plus si affinités est le remake d’un film espagnol, Sentimental de Cesc Gay, qui mettait surtout l’accent sur le couple usé par des années de mariage, alors que le film français rééquilibre un peu les choses, afin de permettre au brillant quatuor d’acteurs de briller de mille feux. La fausse bonne idée des adaptations théâtrales au cinéma consiste souvent à aérer au maximum, relâchant malheureusement en concentration et en tension. Rien de cela dans Et plus si affinités qui, par un montage soutenu de regards et d’attitudes, ne cesse d’attirer l’attention, en montant crescendo vers des révélations inattendues.

Divertissement d’excellent niveau, Et plus si affinités permet d’interroger les failles du couple, tout en ménageant à la fin un joli moment d’émotion, porté par la merveilleuse Chanson des vieux amants de Jacques Brel. Rajoutons pour finir qu’en cette période de films parfois interminables, le film de Ducray et Méance a, à la manière de Quentin Dupieux, l’élégance de la concision et de la brièveté. Une heure dix-sept de rires ininterrompus, cela vaut largement des pensums bien plus longs et prétentieux.

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RÉALISATEUR : Olivier Ducray et Wilfried Méance 
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : comédie 
AVEC : Isabelle Carré, Bernard Campan, Julia Faure, Pablo Pauly 
DURÉE : 1h17 
DISTRIBUTEUR : Wild Bunch Distribution 
SORTIE LE 3 avril 2024