Et la fête continue ! : et la vie continue…

Depuis plus de quarante ans, Robert Guédiguian a édifié une oeuvre principalement consacrée aux « pauvres gens » selon l’expression de Victor Hugo : ouvriers, salariés, petits patrons, chômeurs, déclassés, hormis quelques exceptions comme Le Promeneur du Champ-de-Mars, dédié à François Mitterrand. De plus, son oeuvre est profondément localisée à Marseille, sa ville natale, et en particulier le quartier de l’Estaque, son territoire de cinéma. Tout en restant sur son territoire de prédilection et ses thématiques, Et la fête continue! essaie de changer de style en fonctionnant de manière un peu déstructurée et disjointe. Comment évoluer tout en ne modifiant presque rien, telle est la leçon de Et la fête continue!

Rosa est infirmière à l’hôpital de La Timone à Marseille et potentielle candidate à la mairie. Dans quelques semaines, elle sera à la retraite. Lors du déjeuner dominical, en présence de son frère, la colocataire de celui-ci, et son autre fils, son fils Sarkis lui présente Alice, qu’il pense être la femme de sa vie. Peu après, elle fait accidentellement connaissance du père de cette dernière, Henri, avec laquelle se noue très vite une certaine complicité…

Guédiguian n’atteint pas le tragique de ses films les plus réussis comme La Ville est tranquille ou Gloria Mundi, mais parvient à transmettre l’optimisme d’un engagement salutaire pour les âmes et les citoyens.

Comme à chaque fois, on retrouve avec grand plaisir la famille de cinéma de Robert Guédiguian, les fidèles Ariane Ascaride (sa muse de toujours), Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin, et pour la plus jeune génération, Robinson Stévenin, Lola Naymark et Grégoire Leprince-Ringuet. Par rapport à Gloria Mundi, le dernier Guédiguian choral, ne manque à l’appel qu’Anais Demoustier. Selon les films, l’éclairage est davantage mis sur un membre de la famille plutôt qu’un autre, cette fois-ci, c’est davantage Darroussin que Meylan, et surtout Lola Naymark qui se font remarquer.

Vaguement inspiré par la trajectoire de Michèle Rubirola, maire éphémère de Marseille, Et la fête continue! dérive assez rapidement vers des histoires parallèles ou secondaires, comme une histoire d’amour entre beaux-parents, des citations littéraires émanant d’Henri (Darroussin), le libraire, ou encore une relation complexe entre des jeunes qui ne peuvent pas avoir d’enfant. Le tout forme une sorte de patchwork du cinéma de Guédiguian, un peu informe mais tellement généreux qu’on ne peut refuser son invitation.

Guédiguian reconnaît lui-même son envie de se renouveler dans son style et sa narration en s’inspirant de la forme artistique dite « agitprop », promue par des artistes russes et allemands (Maiakovski, Vertov, Brecht, etc.) au début du XXème siècle. Plus proches de nous, Godard (La Chinoise) ou Pasolini (Uccelini e Uccellacci) l’ont également inspiré, dans la liberté formelle d’associer esthétique et politique.

De là vient sans doute son utilisation absolument étonnante de la musique du Mépris de Georges Delerue, tout comme sa facilité scénaristique à passer du coq à l’âne, sans ménager d’habiles transitions entre ses diverses histoires. Certes, ce faisant, Guédiguian n’atteint pas le tragique de ses films les plus réussis comme La Ville est tranquille ou Gloria Mundi, mais parvient à transmettre l’optimisme d’un engagement salutaire pour les âmes et les citoyens.

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RÉALISATEUR : Robert Guédiguian 
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : comédie dramatique 
AVEC : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Robinson Stévenin, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet, Gérard Meylan 
DURÉE : 1h46 
DISTRIBUTEUR : Diaphana Distribution 
SORTIE LE 15 novembre 2023