Entretien avec Bastien Bouillon, parrain de la Fête du court métrage 2023

Comédien aussi talentueux que discret, Bastien Bouillon fait depuis quelques années maintenant son bonhomme de chemin dans le paysage cinématographique français : il a joué dans des films de Valérie Donzelli (La Guerre est déclarée), Sébastien Betbeder (Debout sur la montagne), aux côtés de Vincent Macaigne, Noémie Merlant ou, plus récemment, de Bouli Lanners dans La nuit du 12, César du meilleur film 2023. Parmi les six prix remportés par l’œuvre de Dominik Moll, celui du César du meilleur espoir masculin pour le rôle de Bastien Bouillon, policier tourmenté au milieu d’une enquête magnétique. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec l’acteur, parrain de la Fête du court métrage.


Vous êtes parrain de la Fête du court métrage qui se tient du 15 au 21 mars 2023. En tant que comédien, quel est votre rapport avec ce format ?

Le court métrage, c’est le format qui m’a offert mes premières partitions. Des rôles souvent tranchés, que l’on ne me donnait pas habituellement dans le format télévisuel ou au cinéma. Dans le long métrage, j’étais souvent cantonné au rôle doucereux de jeune citadin. J’ai ainsi pu avoir des partitions riches, autant en incarnant un homme très effacé ou un grand drogué.

C’est certainement dû à l’absence de pression commerciale. Et j’ai évidemment beaucoup appris sur les plateaux. Il y a quelque chose de générationnel, de l’ordre de la filiation, j’ai le sentiment d’avancer avec les gens avec qui j’ai travaillé.

Vous avez par exemple travaillé plusieurs fois avec Sébastien Betbeder, Valérie Donzelli ou encore Dominik Moll.

Le tournage, c’est toujours une expérience. Si ça s’est bien passé humainement et que nous avons réussi à créer un langage, à se comprendre et progresser dans la même direction, autant renouveler l’expérience lorsque l’opportunité se présente. Concernant Dominik Moll, il ne pensait pas à moi en écrivant le rôle de Yohan dans La nuit du 12, je suis arrivé à la fin du processus et tant mieux pour lui, pour moi et le film.

Vous avez le désir de passer à votre tour derrière la caméra ?

Tout à fait, j’ai réalisé un court métrage avec la même société (ndlr : Topshot Films) qui a produit le film qui a remporté le César du meilleur court métrage cette année, Partir un jour, dans lequel j’ai joué. Le film s’appelle Moha, je l’ai tourné il y a trois ans. Aujourd’hui, j’ai très envie de repasser à la réalisation.

Quel spectateur êtes-vous ?

Je regarde vraiment de tout, je peux très bien aller voir un film de Rabah Ameur-Zaïmeche (ndlr : Terminal Sud), très confidentiel, comme aller voir Mad Max ou un film en 3D. Je ne suis pas fermé à un genre ou un style. Mon rapport est aussi intrinsèquement lié à ma condition de comédien, parfois je vais regarder des films dans le cadre de mon travail, pour découvrir le jeu d’un acteur ou d’une actrice, la photographie d’un chef opérateur.

C’est une année de consécration pour vous et les réalisateurs et réalisatrices ayant collaboré avec vous. Comment avez-vous accueilli le César du meilleur espoir masculin reçu pour votre rôle dans La nuit du 12 de Dominik Moll ?

C’est une belle reconnaissance, j’étais ravi, satisfait. C’est un beau coup de pouce, un soutien important. Ça fait maintenant quelques années que je suis comédien, cette année c’était la première fois que j’étais nommé, je me suis senti très honoré. Puis il y a eu un peu de discrimination positive, j’étais le plus vieux, le doyen de la catégorie *rire*. Quand on est comédien, on appartient à un projet, il y a aussi le succès du film.

Photo : Fred Dugit
Photo LP / Fred Dugit

Est-ce que vous verriez, comme vos camarades de jeu Damien Bonnard (Seules les bêtes) ou Noémie Merlant (Jumbo), jouer dans des films étrangers, en anglais ?

Pour être tout à fait honnête, il me faudrait une préparation en amont car je ne suis pas bilingue. Si on me donne les moyens, c’est-à-dire du temps et quelqu’un pour répéter. Je sais que j’ai des camarades qui veulent travailler aux Etats-Unis, à Hollywood ou dans le cinéma indépendant new-yorkais, mais ce n’est pas mon objectif premier.

Cela fait près de dix ans que vous êtes comédien au cinéma, quelle est la grande leçon que vous tirez de cette expérience ?

Je retiens surtout le mot disponibilité. Ce n’est jamais la même chose, il faut s’adapter, savoir ce que l’on a envie et ce que l’on se refuse. J’ai toujours eu envie d’un certain type de cinéma, on a toujours le choix, mais au début de la carrière, ce choix se limite à accepter un projet ou ne pas travailler. J’en suis conscient. Le luxe que m’a apporté le César du meilleur espoir masculin, c’est celui d’avoir des projets. Le cinéma, c’est une industrie, j’ai un agent car il y a des tactiques qui me dépassent.

Vous avez un cinéaste ou un acteur avec qui vous aimeriez tourner ?

Pour retomber sur le court métrage, j’apprécie la filiation et l’idée de collaborer à nouveau avec des cinéastes. Je pense à Nathalie Najem, Hadrien Bichet ou Francescu Artily. Si je devais retravailler avec Valérie Donzelli ou Dominik Moll, je serais ravi aussi. Je n’ai pas envie de dire de grands noms, il faudrait y réfléchir vraiment. J’ai autant envie de faire des films populaires que de travailler dans des œuvres plus confidentielles. Je pense que pour le public il ne faut pas toujours être au même endroit. On peut se diversifier. Si j’avais eu le temps de parler un peu plus lors de la cérémonie, j’aurai dit que le cinéma est pluriel et que les comédiens et comédiennes devraient l’être aussi. C’est la beauté de la découverte.

Pour conclure, pouvez-vous nous parler de vos projets à venir ?

J’incarne un petit rôle dans un film qui va sortir en mai, Umami de Slony Sow. Je vais bientôt jouer dans le biopic sur Charles Aznavour, incarné par Tahar Rahim et co-réalisé par Grand Corps Malade et Medhi Idir. Et pour revenir sur la réalisation, je suis actuellement en train d’écrire un long métrage.

Entretien réalisé en mars 2023 dans le cadre de la Fête du court métrage.