En attendant Bojangles : le tourbillon de la vie

« Sortie en salle d’une adaptation d’un roman français d’Olivier Bourdeaut » lit-on
dans la presse en ce mercredi 5 janvier 2022 pour décrire En attendant Bojangles. Pourtant, décrire ce film uniquement comme une adaptation, ne revient-il pas à cantonner un tableau à une superposition de couleurs ? S’il en est indiénablement une, d’adaptation cinématographique, en ce qu’il est effectivement tiré d’un roman, l’œuvre de Regis Roinsard est bien plus que cela.


Camille et Georges dansent constamment sur leur chanson favorite, Mr. Bojangles.
Chez eux, le plaisir est maître ; il n’y a de place que pour les festivités, le partage, et surtout, la fantaisie. Jusqu’à ce que cette vie sans limite ne se heurte à la folie et qu’en un rien de temps, Georges et leur fils Gary ne doivent tout faire pour éviter que la mère emportée avec trop de puissance dans ce tourbillon de la vie ne perde inexorablement l’équilibre.

C’est un film d’émotion mais aussi de morale : la vie rêvée n’existe pas, les rêves fous devraient rester enfermés au plus profond de l’esprit, et la réalité être vécue telle quelle, sans fuite.


En attendant Bojangles réunit Virginie Efira, Romain Duris et Grégory Gadebois, un
casting ambitieux mettant en scène une histoire d’amour passionnelle. Camille et Georges ont tout pour s’entendre : déconnectés de la réalité, des normes, et des carcans sociaux, ils ont inventé leur monde rêvé pour y vivre en paix. Leur vie ressemble à un long voyage, ils sont en perpétuelle exaltation devant de nouveaux paysages qu’ils découvrent et inventent en même temps. Rien ne donne envie de quitter ce monde paisible dans lequel seule compte l’ivresse du bonheur. Mais de toute ivresse s’ensuit une chute ; un avion ne peut planer à perpétuité. La réalité les rattrape, celle d’un enfant, celle de la vie, la « vraie ». Si Georges parvient à jongler entre ces deux mondes, Camille ne peut s’astreindre à mettre un pied sur terre.


Un film porté essentiellement sur la folie, dans deux de ses aspects, que Virginie Efira
met tout son talent à incarner à la perfection. Ainsi, d’une sainte folie qui transparait à travers sa gestuelle, son rire, ses intonations, ses tenues extravagantes, sa simplicité face à la gestion des affaires du quotidien comme celles concernant Grégory et l’école, elle glisse du côté de la folie maladive l’obligeant à séjourner en hôpital psychiatrique. Nous ne sommes plus dans le registre du rire aux larmes, mais de l’épanouissement le plus intense, à la détresse la plus profonde. Ainsi, En attendant Bojangles est un film d’émotions, en ce qu’il suscite chez le spectateur des affres des plus puissants. Camille rend le spectateur actif, car il ne peut rester de marbre face à son personnage et la maîtrise à la perfection de son jeu d’acteur, qui fait oublier qu’il s’agit d’un jeu, et emmène alors le lecteur au cœur de cette folie… n’est-ce pas un film de tous les dangers, lorsqu’on voit où cette folie peut mener ? Si le duo Efira-Duris fonctionne divinement bien, c’est elle qui mène la danse.


Ni une adaptation, ni une histoire d’amour, En attendant Bojangles est un film sur la vie
et la folie, qui montre les limites de l’idéal selon lequel il faudrait « croire en l’impossible ».
C’est un film d’émotion mais aussi de morale : la vie rêvée n’existe pas, les rêves fous devraient rester enfermés au plus profond de l’esprit, et la réalité être vécue telle quelle, sans fuite. En attendant Bojangles dresse le tableau des risques d’une évasion trop lointaine, il ne cherche pas qu’à émouvoir le spectateur, il le met en garde.

3.5

RÉALISATEUR :  Régis Roinsard 
NATIONALITÉ : française 
AVEC :  Virginie Efira, Romain Duris, Solan Machado-Graner
GENRE : comédie dramatique 
DURÉE : 2h05 
DISTRIBUTEUR : Studio Canal 
SORTIE LE 5 janvier 2022