Elle s’appelle Barbara : possible retour à une vie normale

Essentiellement spécialisé dans la réalisation de documentaires (Paraíso), le Brésilien Sergio Tréfaut retourne à la fiction, avec Elle s’appelle Barbara, dont le thème est extrêmement controversé et sujet aux polémiques. En mettant en scène le quotidien d’une jeune femme dans ce camp de prisonniers djihadistes, le cinéaste ne choisit donc pas la facilité, prend un risque certain, mais raconte à travers son personnage féminin la radicale volonté de faire table rase du passé pour se tourner vers une autre vie, interrogeant ainsi sur les mécanismes de l’embrigadement pour toutes ces femmes plus soumises qu’adhérentes aux idées terroristes. Sans toutefois rentrer dans les détails psychologiques, cette fiction intéressante donne un nouveau point de vue, bien différent de ceux des médias, sur ces prisonnières attendant un jugement, leurs enfants étant également dans l’expectative.

Barbara a suivi en Irak son époux, un combattant de Daech. Après la mort de celui-ci, une seule question se pose : que va-t-elle devenir ?

Cette Barbara nous est montrée, enlevant son voile cachant son visage, avec ses yeux embués de tristesse, observant, avec une attitude figée, les corps des terroristes, exécutés. En choisissant délibérément de ne plus cacher son physique, la jeune Barbara défie tout un système nauséabond, dominé par la soumission, entrevoyant la possibilité de retourner à un mode de vie occidental, à une liberté qu’elle souhaite tant.

En exposant le portrait d’une ex-épouse voulant à tout prix quitter ce qui représente un enfer, Sergio Tréfaut n’idéalise pas cet extrémisme sanguinolent et barbare, mais décrit la naissance d’un fantasme disparu depuis longtemps, celui de changer de destin, en dehors de la religion, loin de la violence, de se libérer d’une forme d’emprise psychologique. Ce que raconte ce film n’est en aucun cas le parcours d’une sympathisante fanatique, loin de là, mais la description d’une femme prise dans le piège de l’embrigadement, un sujet que les médias traitent peu, car filmant surtout la face sombre existant dans ces camps. Le film ne s’attarde pas sur cela, mettant principalement en valeur une image plus claire, celle d’une détenue n’affichant aucunement les caractéristiques d’une terroriste déterminée, d’une femme faisant le rêve de retourner vivre une vie normale, en Europe. Beaucoup interpréteront cette œuvre d’une mauvaise manière, qu’ils qualifieront de propagandiste, alors que ce n’est à aucun moment le cas. Au contraire, cet angle de vue met l’accent sur ces non-extrémistes emprisonnées, attendant impatiemment cette décision libératrice ou non.

Elle s’appelle Barbara est une fiction ressemblant à un documentaire, où le terrorisme s’efface pour laisser place à une dimension plus humaine, fondée sur la compréhension et ce mince espoir d’obtenir une seconde chance, dans une société où l’adaptation sera compliquée.

L’objectif de Sergio Tréfaut est de mettre en lumière le quotidien dans ces camps, surtout de donner la parole à ces femmes, offrant ainsi un espace d’expression, pour que nous puissions observer, voir, comprendre cette Barbara, ex-épouse d’un djihadiste exécuté, devant affronter la douleur d’une mère et la présence de son père, personnage représentant le lien entre le camp et une liberté désirée. Joana Bernardo, excellente actrice, incarne une Barbara pleine de fragilité, sans doute tiraillée entre deux univers, l’un glauque, l’autre plus idyllique, recherchant un avenir en combattant un passé l’empêchant d’embrasser totalement la possibilité de fuir. L’interprète portugaise se glisse parfaitement dans la peau de cette jeune adulte, dans une composition pleine de complexité. Dans cette fiction, le réalisateur se focalise intensément sur le versant humain d’un récit pourtant bien horrible, expliquant alors qu’il existe de l’humanité parmi ces prisonnières, et non seulement l’existence des lois de l’État Islamique. Tout cela n’efface bien sûr pas les exactions commises. Cependant, Elle s’appelle Barbara interroge sur la responsabilité de cette femme dans le combat mené par son défunt époux. Encore une fois, Sergio Tréfaut ne verse pas dans l’idéalisation, mais démontre les rouages d’un embrigadement, alors que l’opinion publique voit uniquement le fanatisme acharné. Ce film devient ni plus ni moins qu’un fort témoignage, non pas sur la repentance, mais sur le choix d’être libre. L’œuvre opte pour un pari osé, qui fera certainement réagir. Cependant, son contenu possède la matière pour enlever les a priori, reste dans un devoir d’informer sur ce que les journaux refusent de raconter. En cela, Elle s’appelle Barbara respecte le réalisme d’une fiction presque documentaire.

 

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RÉALISATEUR :  Sergio Tréfaut
NATIONALITÉ :  Portugal
GENRE : Drame
AVEC : Joana Bernardo, Lola Dueñas 
DURÉE : 1 h 21
DISTRIBUTEUR : Alfama Films
SORTIE LE 28 juin 2023