El Profesor : la philosophie dans les marges

Marcelo a consacré sa vie à enseigner la philosophie, notamment à l’université publique de Buenos Aires sous la férule de son mentor Caselli. Mais voici que ce dernier décède brutalement et que Marcelo est pressenti, ayant été son principal assistant, pour reprendre la chaire qu’il occupait. Une cérémonie est donnée en hommage au professeur émérite et c’est au cours de celle-ci que notre héros fait ses retrouvailles avec une vieille connaissance en la personne de Rafael Sujarchuk. Ce dernier enseigne en Allemagne et semble n’être que de passage en Argentine mais saisissant l’occasion de retrouver ses racines et de se rapprocher aussi de sa nouvelle compagne, star de cinéma, il va se mettre lui aussi à prétendre au poste. Dès lors une rivalité professionnelle et personnelle s’installe entre les deux hommes que tout oppose en vue de l’audition qui doit tout décider.

En effet, autant Marcelo nous est montré dans des situations où il est en permanence en décalage par rapport aux autres personnages – mangeant seul dans son coin pendant que les autres festoient, négligeant seul de prendre la parole par timidité au cours de l’hommage donné à son mentor – autant Rafael est à l’aise, mettant en valeur ses ressources financières pour financer l’en-cas prévu à l’issue de la cérémonie, achetant quantité de bouteilles dont il embarrasse Marcelo, interrompant ce dernier s’apprêtant à chanter un tango en se mettant à jouer en virtuose du piano tout en chantant en français, posant pour la photo aux côtés de sa compagne et faisant un discours émaillé de citations en allemand de Kant au milieu d’une assemblée de personnes présentes pour participer à l’hommage. Bref, Marcelo est à côté de ses pompes, ce que ne manque pas de lui faire remarquer les autres personnages autour de lui. De l’épouse de Caselli qui s’étonne de l’acharnement qu’il met à poursuivre sa carrière universitaire – car Marcelo est en effet un personnage médiocre dont la vie est axée autour de sa carrière professionnelle – à son fils Manolo qui lui recommande de mieux organiser son temps et de s’acheter un agenda. Son fils dont il va jusqu’à oublier la kermesse à laquelle il s’était pourtant promis de se rendre.

On se plaît à suivre les péripéties qui font de Marcelo un personnage à part, un anti-héros moderne

Le tout sur fond de coupes budgétaires, de suppression des bourses pour les étudiants et de fins de mois difficiles pour les enseignants qui attendent leur paie avec impatience et craignent de ne pas être frayés pour les missions qu’ils effectuent parallèlement à l’université. Jusqu’à finalement la suspension totale de traitement à laquelle ils sont confrontés, les obligeant à continuer leur cours en pleine rue. Mais, mis à part les slogans récurrents qui s’affichent un peu partout au sein de la faculté ou l’intervention d’une étudiante léniniste en plein cours pour engager les étudiants à manifester leur mécontentement et à agir pour résoudre les choses, la réalisation n’explore pas cette piste du dysfonctionnement de la société qui touche là son domaine éducatif. Le sujet reste marginal bien qu’il eût mérité un développement plus important.

On se plaît à suivre les péripéties qui font de Marcelo un personnage à part, un anti-héros moderne, et qui le mettent dans des situations parfois loufoques, parce qu’il ne cherche justement pas à briller mais est comme illuminé de l’intérieur par la discipline qu’il enseigne et qui semble suffire à tout son bonheur. Et l’on comprend peu à peu à quel point et pourquoi la philosophie constitue tout son savoir et son avenir en tant que professeur. Et peu importe finalement qu’il obtienne ou non sa chaire puisqu’il parvient à maintenir allumé le feu de la tradition et à perpétuer la foi de son mentor. Mais on eût aimé plus de profondeur dans le traitement du personnage et de son sujet, qui s’y prêtait pourtant. Le contenu même des cours de philosophie, pour être représenté en tant que tel – en tant que contenu d’un cours de philo donc –  reste dans les marges de l’histoire. El Professor reste une comédie légère sur fond de crise de la société argentine qui se laisse regarder.

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RÉALISATEUR : Maria Alché, Benjamin Naishtat
NATIONALITÉ :  Argentine
GENRE : Comédie
AVEC : Marcelo Subiotto, Leonardo Sbaraglia, Julieta Zylberberg
DURÉE : 1h49
DISTRIBUTEUR : Condor Distribution
SORTIE LE 3 juillet 2024