DogMan : une vie de chien

 

Pour son dix-neuvième film, DogMan, Luc Besson a semblé enfin revenir au cinéma, d’après les bons échos du marché du film du Festival de Berlin et sa sélection en compétition à la Mostra de Venise. Il a pourtant davantage fait parler de lui lors de la présentation de son film par l’association médiatique avec deux autres cinéastes devenus parias depuis #MeToo, Roman Polanski et Woody Allen, tous les deux sélectionnés également à la Mostra de Venise mais hors compétition. Besson paraît pour l’instant dégagé de toute procédure judiciaire, étant relaxé en appel ainsi par la Cour de Cassation de l’incrimination de viols sur une de ses actrices mais parlons plutôt de cinéma. Avouons que, dans un premier temps, DogMan surprend en se mettant du côté des marginaux, victimes d’abus sexuels et drag queens dans un cabaret, avant que, malheureusement, la chape de plomb assez lourdingue de l’absence de style de Besson ne referme la possibilité d’éventuels débats sur la qualité de son film.

Enfant, Douglas a été abusé par un père violent qui l’a ensuite jeté aux chiens. Mais au lieu de l’attaquer, ces derniers l’ont protégé et ils sont devenus ses alliés. Devenu adulte, encore traumatisé et menant une vie de marginal avec ses chiens, Douglas sombre peu à peu dans une folie meurtrière.

Besson avait dit un jour qu’il s’arrêterait à son dixième film. Encore une vaine promesse qui n’a pas été tenue.

Pour commencer, DogMan surprend en prenant le contrepied de ce que l’on aurait pu attendre. Loin de faire le portrait d’un héros masculiniste, macho et méprisant les femmes, Besson a décidé, ô surprise, de se mettre du côté des femmes, en explorant le côté féminin de sa personnalité. Pour être honnête, rappelons qu’il a déjà consacré des films à des protagonistes féminines (Nikita, Jeanne d’Arc, Adèle Blanc-Sec, Lucy, The Lady, Anna). sans même évoquer ceux où les femmes jouent un rôle aussi important, sinon plus, que leurs collègues masculins (Subway, Léon, Angel-A, Valérian). Par conséquent, il serait peut-être injuste de le taxer complètement d’opportunisme ou d’insincérité. Besson renoue en fait avec les personnages de ses premiers films, des marginaux hors cadre, en faisant le portrait d’une victime d’abus sexuel, handicapé en fauteuil roulant, vivant de cambriolages effectués par la tribu de ses chiens et de numéros de drag queen dans un cabaret miteux. Néanmoins, il charge peut-être trop la barque de son personnage avec ce sujet digne d’un Pedro Almodóvar pour qu’on puisse véritablement adhérer à son projet. Disons qu’avec ce personnage qui ressemble à une caricature de victime, on se trouve d’emblée du côté de la déclaration d’intentions ostentatoire plutôt que de l’incarnation à proprement parler d’une personne sensible et touchante.

C’est en raison de ce phénomène cumulatif que Caleb Landry Jones, en dépit de tout son talent, ne parvient guère à tirer son épingle du jeu, contrairement à sa prestation dans Nitram. Si l’on était cruel, on soulignerait que ce que Besson dirige le mieux, ce sont ici les animaux, les chiens en l’occurrence, qui lui permettent de déployer les seuls moments (limités) de virtuosité dans les ballets de cambriolage ou de meurtre. En-dehors de cela, DogMan souffre des mêmes défauts que la plupart des films de Luc Besson. On a la triste impression qu’il écrit avec un stylo trop gros, à la truelle, en empilant des clichés vus dans dix mille films, sans dégager la moindre vision personnelle. Les numéros de cabaret font peine à voir, Caleb Landry Jones interprétant en play-back des morceaux d’Edith Piaf ou de Marlène Dietrich. Besson aurait dû renoncer à l’écriture de scénario depuis bien longtemps, étant bien plus doué dans la mise en images des histoires. Ce regrettable phénomène de concentration des fonctions est sans doute à mettre au crédit de la politique des auteurs, que beaucoup comprennent de travers, comme si un metteur en scène était forcément doué pour écrire ou un scénariste inversement pour mettre en scène.

Malheureusement, même du côté mise en scène, DogMan s’avère être très plat, l’essentiel du film se concentrant sur une narration en flash-backs qui semble épuiser un stock de références de chansons et de plans ultra-connus. On perçoit l’effort de Besson pour retrouver les traces de ses héros marginaux de ses premiers films, jusqu’à Leon environ, mais il y manque une innocence première, une naïveté qu’il n’a sans doute plus. A la manière de Tarantino, Besson avait dit un jour qu’il s’arrêterait à son dixième film. Encore une vaine promesse qui n’a pas été tenue.

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RÉALISATEUR : Luc Besson 
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : Drame psychologique 
AVEC : Caleb Landry Jones, Christopher Denham, Marisa Berenson, Grace Palma 
DURÉE : 1h53 
DISTRIBUTEUR : Apollo Films 
SORTIE LE 27 septembre 2023