Les récits d’initiation et de formation, « coming of age« , selon l’expression anglo-saxonne consacrée, représentent une manne scénaristique inépuisable pour le cinéma français et même d’ailleurs. C’est souvent l’occasion pour l’auteur de revenir de manière plus ou moins autobiographique sur les souvenirs de son passé, en les revisitant, afin d’évoquer aussi en miroir pour le spectateur les siens. De l’Or pour les chiens ne déroge pas à la règle. Néanmoins, alors que certains louent en ce film l’éclosion certaine d’un nouveau véritable talent, ce que l’on fait systématiquement pour chaque nouveau diplômé de la Fémis qui s’essaie à la mise en scène, il est possible de trouver le discours théorique de Anna Cazenave Cambet, intéressant, voire même passionnant, sans pour autant trouver autant de raisons de s’extasier sur De l’Or pour les chiens, titre programmatique, légèrement prétentieux et provocateur.
Fin de l’été, Esther 17 ans, termine sa saison dans les Landes. Transie d’amour pour un garçon déjà reparti, elle décide de prendre la route pour le retrouver à Paris. Des plages du sud aux murs d’une cellule religieuse, le cheminement intérieur d’une jeune fille d’aujourd’hui.
Relativement imparfait, possédant des baisses de rythme évidentes, De l’Or pour les chiens est pourtant suffisamment intriguant pour retenir l’attention et permettre de surveiller cette réalisatrice à l’avenir, mais pas assez pour la célébrer au niveau d’un A nos amours ou d’autres films du même style qui s’avèrent bien plus brillants lorsqu’il nous arrive de les revisionner.
Le premier film d’Anna Cazenave Cambet commence de manière assez forte, par une scène sexuelle explicite, filmée frontalement, montrant l’accouplement de deux jeunes gens sur une plage, en plan large et fixe. Cette scène évoque irrésistiblement en clin d’oeil une ouverture similaire, celle de 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix, où ce dernier filmait, zoom lent à l’appui, un coït jusqu’à l’orgasme entre Béatrice Dalle et Jean-Hugues Anglade. Néanmoins, à la différence de Beineix, il s’agit pour Anna Cazenave Cambet, non pas de bâtir son récit sur la sexualité de son héroïne, mais de l’évacuer en une seule scène, pour signifier que le sexe ne sera pas le sujet de son film. Car, comme elle l’énonce dans ses interviews, elle cherche à déconstruire les stéréotypes misogynes, tâche ô combien louable. De l’Or pour les chiens ne sera donc pas une exploration de la sexualité par une jeune femme encore adolescente, contrairement à des exemples fameux, A nos amours de Maurice Pialat, 36 fillette de Catherine Breillat ou à un moindre degré Un Amour de jeunesse de Mia Hansen-Love.
Non, s’il est possible de rapprocher De l’Or pour les chiens d’un film, ce serait plutôt Hadewijch de Bruno Dumont. De même que dans ce film remarquable, passé un peu inaperçu dans l’oeuvre dumontienne, Anna Cazenave Cambet dresse le portrait d’une jeune fille de manière non conventionnelle, en ne s’appesantissant pas sur sa sexualité comme vecteur principal de sa personnalité, mais en se concentrant plutôt sur sa réaction comportementale à un monde qui l’agresse, réaction qui ira jusqu’à se réfugier dans un monastère, étape terminale du parcours et grand point commun entre les deux films. En réaction à un monde masculiniste qui l’oppresse, le personnage féminin du film trouvera comme solution la spiritualité et la religion, un peu comme si Emmanuelle se transformait en Thérèse. Comme Dumont, Anna Cazenave Cambet possède aussi le sens du cadre et de la photographie, même si elle l’alterne avec des plans pris sur le vif, caméra à l’épaule, qui jurent un peu avec l’ensemble.
Son discours sur la place du consentement dans notre société est assez intéressant, voire passionnant, en particulier d’une membre de la communauté LGBT. Néanmoins le spectateur a le droit de le trouver un peu trop théorique et de considérer que le film vaut davantage pour sa structure de coming of age inversé que sa matière réelle. Relativement imparfait, possédant des baisses de rythme évidentes, De l’Or pour les chiens est pourtant suffisamment intriguant pour retenir l’attention et permettre de surveiller cette réalisatrice à l’avenir, mais pas assez pour la célébrer au niveau d’un A nos amours ou d’autres films du même style qui s’avèrent bien plus brillants lorsqu’il nous arrive de les revisionner.
RÉALISATEUR : Anna Cazenave Cambet NATIONALITÉ : française AVEC : Tallulah Cassavetti, Corentin Fila, Ana Neborac GENRE : Romance, drame DURÉE : 1h39 DISTRIBUTEUR : Rezo Films SORTIE LE 30 juin 2021