Un monde merveilleux : embarquez pour un conte dystopique

Comment faire rire avec un monde qui fait peur ? Un monde où les poissons auraient disparu des mers et où notre meilleur ami serait un robot de compagnie dont la seule préoccupation serait notre bien-être ultra-personnel, et certainement pas celui de la planète et des relations humaines ? C’est toute la difficulté d’un film comique ET dystopique comme Un monde merveilleux, et le réalisateur Giulio Callegari, 37 ans, signe ici un premier long-métrage qui réussit plutôt bien son grand écart – avec une Blanche Gardin en clown blanc acrobatique.

Dans un futur un peu trop proche où les humains dépendent des robots, Max, une ancienne prof qui a vu son métier remplacé comme tant d’autres, survit avec sa fille en volant des humanoïdes pour les revendre en pièces détachées. Mais au cours d’un de ces kidnappings, les choses dérapent. Flanquée de ce robot qui l’exaspère, Max s’embarque dans un road-trip pour récupérer sa fille et prouver qu’il reste un peu d’humanité dans ce monde.

C’est au robot kidnappé, et partenaire bien malgré elle de Max dans cette épopée, qu’on remettrait bien un prix d’interprétation !



Dans la famille satire, Un monde merveilleux se permet des dialogues et situations piquantes, sans craindre d’être politiquement incorrect, et c’est tant mieux ! Ici, un robot-infirmier bat un vieil homme en EHPAD avec un Scrabble en « euthanasie » ; là, une policière semble prête à fondre en larmes quand le personnage de Max lui demande si elle est policière « parce qu’elle n’a pas bien travaillé à l’école » ; plus loin cette dernière tue une écrevisse d’eau douce en pensant la libérer de son aquarium en la lançant dans les vagues salées de Bretagne…

Dans un costume de clown blanc plus que taillé pour elle, Blanche Gardin ne surprend pas et fait du « Blanche Gardin », mais c’est aussi pour cela qu’on file au cinéma voir ses films ! Son personnage de Max, en marge, anti-technologie patentée, déprimée sans jamais être déprimante, et au doigt d’honneur facile, fonctionne à merveille, même si on regrette toujours un peu de voir l’humoriste cadenassée dans des rôles un peu trop semblables… On pense d’ailleurs à sa prestation dans la comédie Selfie, coécrite à l’époque par un certain… Giulio Callegari ! Aux côtés de l’actrice rodée, la jeune Laly Mercier – qui joue Paula, la fille de Max dont le cheveu sur la langue nous enchante à tout moment – tient joliment sa partition. Mais plus surprenant, c’est peut-être finalement à T-O (prononcé « Théo »), le robot kidnappé et partenaire bien malgré elle de Max dans cette épopée, qu’on remettrait bien un prix d’interprétation ! Avec sa démarche à la R2D2 et les situations grotesques qu’il crée, il donne merveilleusement la réplique à une Max « en manque de sérotonine ».

Et c’est peut-être finalement là où le bât blesse dans le film de Giulio Callegari : malgré une longue – et très bien rythmée – critique de ce monde robotique déshumanisé (vers lequel nous semblons tendre toujours plus), on se demande finalement lorsque le générique défile sur l’écran au bout d’une heure 20 : quelle est la morale d’Un monde merveilleux ? Sans trop en dire pour ne pas spoiler l’évolution du film, ne flotte-t-il pas comme une possible réconciliation entre humains et robots, à travers « Théo » et les sentiments que Max finit par lui porter ? Difficile de ne pas voir ici un élément narratif contre-productif si le film se voulait réellement une dénonciation des enjeux en cours…

Avec Un monde merveilleux, il faut donc s’attendre à une embardée sans chichis – et d’ailleurs sans effets spéciaux ! – dans un monde dystopique pas si lointain. Et comme il semble mieux valoir en rire, à défaut de ne pas à réussir à arrêter notre course folle, autant découvrir cette comédie et profiter des sourires qu’elle nous procure.

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RÉALISATEUR : Giulio Callegari
NATIONALITÉ :  Française
GENRE : Comédie satyrique
AVEC : Blanche Gardin, Angélique Flaugère, Laly Mercier
DURÉE : 1h18
DISTRIBUTEUR : KMBO
SORTIE LE : 7 mai 2025