En cette période pandémique, Contagion, le thriller épidémiologique de Steven Soderbergh sorti en 2011, est un peu ressurgi d’outre-tombe, souvent accompagné de commentaires « Le film que vous ne voulez pas regarder en ce moment« . Ce serait pourtant dommage de passer à côté de ce petit bijou implacable (mais imparfait), mais surtout d’une pédagogie formidable autour des ressorts de la propagation d’un virus.
Le point de départ est simple : Gwyneth Paltrow attrape lors d’un voyage d’affaire ce qui être s’avère un virus mortel et plutôt contagieux (inspiré en partie par l’épidémie de SRAS en 2002 et du Nipah Virus) et le propage sur le voyage retour. Autour d’elle vont graviter 3 sphrères : sa sphère familiale, incarnée par son mari (Matt Damon) et sa fille (Anna Jacoby-Heron), la sphère scientifique avec tout un ensemble de chercheurs (sur le terrain avec Kate Winslet, dans les labos avec Jennifer Ehle et Elliott Gould, ou sur un terrain plus médiatico-politique avec Laurence Fishburne), et la sphère tendance militante (Marion Cotillard)/influente (Jude Law). Soit un casting 18 étoiles qui va se charger de faire évoluer le spectateur à travers les différentes strates d’une crise épidémiologique, dans un style finalement assez proche de la multi-narration déjà exploitée par Soderbergh dans Traffic.
Contagion s’avère au final une démonstration clinique d’une pédagogie didactique rare, et peut même se transformer en document précieux pour comprendre et assimiler rapidement (1h46 chrono, générique inclus) les principaux mécanismes régissant une pandémie.
Tout y est dans Contagion : R0 (ratio 0 d’une infection), hésitations politiques entre économie et santé, l’enchaînement des études aboutissant potentiellement à un vaccin, et même son propagateur de fake news… 8 ans avec la Covid-19, Soderbergh et Burns avaient tout compris. Et c’est bien là, précisément, le fort de Contagion : sa capacité à synthétiser et vulgariser un ensemble de concepts en des éléments facilement assimilables : Ro, fomites, l’enchaînement des études aboutissant potentiellement à un vaccin, luttes d’influences en tout genre, hésitations politiques entre économie et santé, et même son propagateur de fake news…
Tout ce que Contagion montrait en 2011 se retrouve autour de nous en 2020, et on pourrait même dire que les spectateurs prenant le film comme une sortie de cours accéléré sur une épidémie peuvent en tirer bien des conseils (notamment à ne pas toucher trop de surfaces ni son visage…). Le film s’avère alors absolument inarrêtable sur cet aspect, sans aucune pitié avec ses stars qu’il maltraite parce qu’un virus n’a que faire du star system et peut frapper sans crier gare dans un hôtel, au détour d’une nuit de sommeil pourtant bien méritée. Il avance, inéluctablement.
Seule réelle principale entorse : le film oublie tout de même les essais cliniques pour valider le vaccin, une période qui peut quand même parfois s’étendre jusque plus de 2 ans, ce qui aurait considérablement changé la frise chronologique de l’histoire du film… Cette force est peut-être aussi une limite assez visible du film : hormis à travers Matt Damon et sa fille (et encore), cette démonstration peut paraître manquer d’émotion, comme trop clinique, trop penchée sur ses mécanismes médicaux et scientifiques pour émouvoir sur le sort de ses personnages. On peut aussi trouver que le film semble tour à tour bien gentil sur la peinture qu’il donne des scientifiques (qui prennent beaucoup de bonnes décisions dans le film, tout de même) ou bien méchant avec cet imposteur influençeur cherchant à se faire un peu d’argent sur le dos de quelques crédules. Mais le film l’est-il vraiment ? Nous avons eu la preuve par l’exemple ces derniers mois que la science semble bel et bien un recours concret et plutôt de confiance dans ce genre de situations, tandis que certains charlatans n’hésitent pas à vanter des décoctions à l’inutilité plus que probable tandis que d’autres n’hésitent même pas à nier l’existence de l’épidémie afin de ne surtout pas ralentir l’économie de leurs pays. Cependant, un film obéit à des règles souvent différentes de la vraie vie, et certains pourraient légitimement ressentir comme un manque d’empathie venant du film, qui semble manquer d’un ancrage émotionnel plus fort.
Seules faiblesses : une démonstration tellement factuelle qu’elle en oublie un peu l’émotion, et une sous-intrigue avec Marion Cotillard qui semble fort superflue. Cependant, la vraie faiblesse du film, à choisir, serait probablement plutôt la sous-intrigue de Marion Cotillard qui semble insérée au chausse-pied afin d’ajouter un fond de cynisme au film et le mondialiser probablement un peu plus. Elle fait là aussi sens, et cherche assez évidemment à développer un autre élément d’une pandémie, mais sa mise en application et son intégration dans le film la fait apparaître quasi systématiquement comme extrêmement superflue, au point où on peut se demander si son élimination complète au montage aurait changé quoi que ce soit au film (probablement pas). C’est dommage car son contenu n’est pas inintéressant et les interprètes la peuplant s’en sortent bien, mais rien n’y fait.
Sublimé par la musique électronique oppressante de Cliff Martinez et par un casting au diapason, Contagion fait cependant globalement fi de ces quelques limites d’exercice et s’avère au final une démonstration clinique d’une pédagogie didactique rare, et peut même se transformer en document précieux pour comprendre et assimiler rapidement (1h46 chrono, générique inclus) les principaux mécanismes régissant une pandémie, anticipant même assez bien les réactions politiques, économiques et sanitaires mises en place ensuite.
RÉALISATEUR : Steven Soderbergh NATIONALITÉ : américaine GENRE : drame, thriller, science-fiction AVEC : Matt Damon, Marion Cotillard, Laurence Fishburne, Jude Law, Kate Winslet, Gwyneth Paltrow DURÉE : 1h46 DISTRIBUTEUR : Warner Bros Pictures France SORTIE LE 9 novembre 2011