La cinéaste Elodie Lélu choisit d’aborder le sujet de la maladie d’Alzheimer sous le prisme de l’humour. Bon nombre de films ont emprunté la voie suivante, celle de divertir avec un thème dramatique. Peut-on rire de tout? Telle est la question qui se pose avec Colocs de choc, qui réunit trois formidables interprètes, Hélène Vincent, Fantine Harduin et Olivier Gourmet. La représentation de la pathologie est matière à débats, et interroge sur la nécessité d’en faire une comédie qui, certes, porte un regard bienveillant mais dont le sujet ne se prête pas vraiment à ce genre.
Manon, une adolescente introvertie de 16 ans, se voit obligée de cohabiter avec sa grand-mère Yvonne, ex-militante féministe atteinte de la maladie d’Alzheimer. La situation se corse quand Yvonne commence à prendre Manon pour sa fille. Contre toute attente, Manon entre dans les délires d’Yvonne et rejoue le rôle de sa mère qu’elle n’a presque pas connue. C’est l’occasion pour elle de découvrir la véritable histoire des femmes de sa famille et d’apprendre, à son tour, à en devenir une.
Colocs de choc décrit les souffrances liées à la maladie, de manière comique, mais s’enfonce dans des clichés ou caricatures qui basculent vers une description parodique des symptômes.
Comme dit en introduction, le cinéma a souvent traité de thèmes durs sous la façade de l’humour et du burlesque. La vie est belle de Roberto Benigni en est un bon exemple. Encore faut-il savoir allier le drame et le rire, avec justesse, ce qu’a exactement fait le cinéaste italien, alors que la Shoah est loin d’être facile à aborder. Avec Colocs de choc, Elodie Lélu ne parvient pas à réussir ce pari, tant l’œuvre se trouve constamment noyée sous des clichés redondants et les pires caricatures qui soient à propos de la maladie d’Alzheimer. Hélène Vincent met toute sa fougue pour interpréter ce personnage, mais la jeune cinéaste en fait le symbole d’un film qui verse souvent dans une parodie gênante. Elle filme les premiers soubresauts de la maladie, avec une mémoire d’abord erratique, essaie de faire passer le message sur un ton léger, sans pouvoir provoquer le moindre sourire. Même si elle montre une triste réalité, les scènes censées divertir engendrent une sensation de gêne palpable, surtout quand on connaît les premiers signes de l’Alzheimer, la mémoire des visages qui s’en va. La question suivante, peut-on rire de tout, trouve sa réponse dans tout le contenu de ce film. Entre les répliques ratées et les situations d’une maladresse malaisante, Colocs de choc sombre dans l’absurde.
Le scénario écrit par Elodie Lélu ressemble plus à un pamphlet féministe qu’à une œuvre sur la perte de mémoire.
La réalisatrice juxtapose féminisme et souffrance, pour raconter le passé de cette malade qui fut avocate et acquise à la cause des femmes. Cette sous-intrigue, qui mélange deux choses radicalement différentes, est soi-disant établie pour réveiller les souvenirs du passé. Ceci ne produit toutefois pas le séisme émotionnel attendu, alors que la stimulation de la mémoire balbutiante est vitale pour entretenir les bribes d’une existence. Colocs de choc traite des sphères familiales brisées, de ces proches qui deviennent des inconnus. La trame n’est cependant pas suffisante pour convaincre, bien que le personnage joué par Fantine Harduin tente de faire rejaillir dans l’esprit de sa grand-mère les images d’une fille décédée. La jeune actrice met tout son dynamisme dans l’interprétation, tandis qu’Hélène Vincent et Olivier Gourmet se retrouvent à jouer une souffrante caricaturée et un homme qui tombe dans le cliché de l’aidant démotivé. L’acteur belge ne trouve pas un rôle à sa mesure face à la comédienne vue dans La Vie est un long fleuve tranquille. Fantine Harduin sort du lot, avec sa débordante fraîcheur qui donne un peu d’allant à un film oubliable.
RÉALISATEUR : Elodie Lélu NATIONALITÉ : Belgique/ Canada/ France GENRE : Comédie AVEC : Fantine Harduin, Hélène Vincent, Olivier Gourmet, Emilie Dequenne DURÉE : 1h27 DISTRIBUTEUR : Daisy Day Films SORTIE LE 22 mai 2024