Chien blanc : dressé pour tuer

Chien blanc est une nouvelle adaptation du roman du même nom, écrit par Romain Gary et publié en 1970. Déjà porté à l’écran en 1982 par Samuel Fuller sous le titre Dressé pour tuer, cette œuvre littéraire bénéficie donc d’une nouvelle approche sur un mal enraciné dans la société américaine, le racisme. La cinéaste québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette remet le thème au goût du jour, mais propose une version édulcorée et surtout timide d’un livre fort et poignant.

Martin Luther King est assassiné et les haines raciales mettent le pays à feu et à sang. Romain Gary et sa femme l’actrice Jean Seberg, qui vivent à Los Angeles, recueillent un chien égaré, dressé exclusivement pour attaquer les Noirs : un chien blanc. L’écrivain, amoureux des animaux, refuse de le faire euthanasier, au risque de mettre en péril sa relation avec Jean, militante pour les droits civiques et très active au sein des Black Panthers.

Chien blanc ne fait pas le poids face à l’adaptation brillante de Samuel Fuller qui décrivait avec force les antagonismes haineux des États-Unis des années 1960.

Alors que le film du réalisateur américain réussissait à être troublant ou provocant, Chien blanc échoue dans ses tentatives de dénonciation, même si celles-ci sont bien sûr légitimes. Anaïs Barbeau-Lavalette dévoile un contexte fragile, avec la haine raciale, l’assassinat de Martin Luther King, la lutte pour les droits civiques des personnes de couleur. Tout ceci est fort juste, toutefois les louables messages n’occultent pas le fait que ce film possède un style faussement dénonciateur, inoffensif, qui ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes sur un sujet déjà débattu. Chien blanc ne montre pas les crocs, et se révèle être d’une grande fadeur dans son aspect soi-disant militant et politique. Des images d’archives sont utilisées pour représenter les violences de l’époque, et toutes ont le pouvoir d’être bien plus parlantes que ces nombreuses scènes qui ne parviennent pas à filmer les angoisses et les craintes de la population noire. Tout le film passe à côté de son sujet, reste d’une grande timidité dans la représentation des faits, comme si la réalisatrice avait voulu délibérément édulcorer le propos. Elle ne saisit pas non plus le contexte fragile sur fond de racisme, alors que Romain Gary avait un œil critique et averti là-dessus.

Chien blanc est aussi une description de la vie de couple tourmentée de Romain Gary et de Jean Seberg, sorte de sous-intrigue qui laissait présager deux destins tragiques.

La deuxième partie s’intéresse à la relation tumultueuse, mais est tout aussi fade que la première. Alors qu’elle s’articule principalement sur l’union, Chien blanc s’effondre encore un peu plus en proposant une atmosphère émotionnellement stérile, même en connaissant les funestes avenirs des époux. Entre l’actrice militante et son écrivain de mari, rien ne va, le mariage s’effrite, et le film n’est clairement pas au niveau du livre qui décrivait bien mieux leurs rapports. Soporifique et surtout plombante, la seconde partie néglige le militantisme de l’actrice américaine et ne retranscrit pas la véritable personnalité de Romain Gary, trouble et agitée. Le déséquilibre narratif se traduit par deux parties trop distinctes, bien que liées par la présence de ce chien qui symbolise à la fois les tensions raciales et les problèmes du couple. Toutefois, les crocs du canidé ne suffisent pas pour provoquer quoi que ce soit, dans un film désespérément lacunaire qui s’évertue à filmer superficiellement cette violence pourtant latente et significative de la société américaine. Chien blanc veut ressembler à Mississippi Burning, mais à part montrer des images de lynchage ou de personnes poursuivies dans les champs, le film exhale une inoffensivité relative qui ne risque pas de faire bouger les lignes.

1.5

RÉALISATEUR : Anaïs Barbeau-Lavalette
NATIONALITÉ :  Canada
GENRE : Drame
AVEC : Denis Ménochet, Kacey Rohl
DURÉE : 1h35
DISTRIBUTEUR : Destiny Films
SORTIE LE 22 mai 2024