Chevalier Noir : une vision de l’Iran, entre drogue et espoir

Avec ce film, le cinéaste iranien Emad Aleebrahim Dehkordi a remporté L’Étoile d’Or, récompense suprême du Festival de Marrakech 2022, ainsi que le Grand Prix du Jury du Festival Premiers Plans d’Angers. Le film décrit avec violence une société iranienne pauvre, malade, une jeunesse partagée entre espoir et désillusion, marquée par les ravages de l’addiction à la drogue. Le film réussit à dépeindre un contexte avec une absolue noirceur. Le récit de ce jeune instable, appâté par l’argent de la cocaïne dresse un portrait sans concessions de jeunes aux abois, affaiblis par un quotidien économiquement difficile. L’histoire de ces deux frères, aux trajectoires opposées, devient le reflet d’un pays en perdition.

Iman et Payar viennent de subir le décès de leurs mères. L’un décide de céder à la drogue, l’autre garde néanmoins sa croyance et sa foi. Tous deux s’unissent pour trouver une issue positive, dans un quartier rongé par les problèmes sociaux.

Chevalier Noir décrit une situation sociale à la limite du désespoir, en montrant cette jeunesse prise au piège du désœuvrement et d’une forme de marasme ambiant. Le cinéaste raconte la dérive des strates sociales iraniennes les plus modestes, avec l’addiction aux drogues dures comme seule issue possible.

Non sans dureté, ce long-métrage provoque un choc émotionnel. On ne peut qu’être saisi par cette puissante description d’une population jeune cherchant à survivre. Le metteur en scène introduit ses personnages, deux frères que tout oppose, dans un contexte social très compliqué. Iman (joué par un talentueux et charismatique Iman Sayad Borhani) incarne un homme paumé, déstabilisé par les tragédies, et arpentant les dangereux chemins de la délinquance. Ce portrait d’un jeune en chute libre se change en évocation d’un petit baron de la drogue, entre affaires, consommations et besoin d’argent. Si cette représentation dure peut déconcerter, en revanche, son aspect intrépide et aventureux, voulant être au-dessus des lois iraniennes, fait référence au titre du film, Chevalier Noir, personnage symbolique et protecteur défendant son territoire et protégeant les siens. Le scénario insiste sur les références mythologiques perses, notamment le Shahbaz (apparaissant sous la forme d’un aigle), dieu de la protection, sans doute personnifié sous les traits de ce Iman. Ce petit empereur de la drogue se transforme en une sorte de figure héroïque défiant le pouvoir iranien, et cherchant également à protéger son frère d’une possible déchéance sociale.

Chevalier Noir est aussi le portrait de Payar, ce proche aux aspirations différentes, croyant en un meilleur avenir malgré les complications. Ainsi, ce tandem fraternel s’oppose catégoriquement. Le lien qui les unit semble ténu. Cependant, à l’aide d’une écriture structurée racontant ces deux histoires parallèles, le cinéaste explore une proximité qui se dévoile progressivement, pour ainsi décrire une relation établie sur la protection réciproque. Chevalier Noir, c’est aussi ce Payar déterminé portant une forme d’assistance et de solidarité envers ce frère colérique et hors-la-loi. Plus qu’un tableau acide d’un pays en proie aux doutes, ce premier long-métrage devient avant tout une belle présentation de deux hommes soudés, prêt à affronter l’avenir avec ténacité et pugnacité, tels deux chevaliers conquérants voulant renverser les autorités dictatoriales.

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RÉALISATEUR :  Emad Aleebrahim Dehkordi
NATIONALITÉ : Iran
GENRE :  Drame 
AVEC : Iman Sayad Borhani, Payar Allahyari
DURÉE : 1h41
DISTRIBUTEUR : Jour2fête
SORTIE LE 22 février 2023