Le titre du dernier long métrage du réalisateur français Samuel Benchetrit prend tout son sens après le visionnage. Un titre par ailleurs plus parlant dans la langue de Shakespeare, traduit par « Love soungs for tough guys« . Dans un cas comme dans l’autre, un décalage persiste, l’art aussi. Chassé-croisé de romances, de quêtes spirituelles et d’horizons nouveaux, Cette musique ne joue pour personne cultive le goût du changement. Une comédie dépressive, doucement absurde.
Dans un port en France, une petite guerre se livre pour posséder un emplacement stratégique dans un dock. Jeff (François Damiens) est à la tête d’une société qui opère dans le port, il fait ses petites combines avec son groupe de truands du dimanche. Alors que la monotonie guette, l’amour va agiter le quotidien de ces hommes : des rencontres pour s’élever, se découvrir, se dépasser. Jeff, marié de longue date, a un coup de foudre pour une caissière tandis que Jacky (Gustave Kevern) élimine méthodiquement ceux qui se mettent entre lui et Suzanne (Vanessa Paradis), la femme d’un homme qui doit de l’argent à Jeff. Le premier va tenter de séduire avec des poèmes de son cru, le second en montant sur scène pour jouer un spectacle autour de Sartre et Simone de Beauvoir.
Un film délicat sur des truands dépassés, en roue libre dans un monde contemporain qui peine à les inspirer.
Empreint de mélancolie et de tendresse, le scénario de Cette musique ne joue pour personne fait de l’art un moyen de rapprocher les âmes esseulées. Chaque récit est une partition dans cette joyeuse chorale, campée par un casting impeccable. Si l’ensemble est inégal, la faute à des personnages parfois un peu survolés, le burlesque des situations contrebalance les lacunes du scénario. Une écriture plutôt généreuse, où Samuel Benchetrit s’amuse des histoires que l’on s’invente pour s’éloigner, même sous la forme d’une illusion, du malheur. Que cela soit le petit conte humoristique autour d’Eric Lamb, joué par Vincent Macaigne, ou les débats sur le développement personnel de Poussin (Bouli Lanners) et Jesus (JoeyStarr), le récit interroge sans cesse la notion du bonheur. Face à un présent terne, les souvenirs d’un passé heureux et l’envie de revivre ce qui fut : le triangle amoureux Jeff, Rudy (Coustance Rousseau) et Neptune (Ramzy Bedia), illustre parfaitement la force du désir, la flamme qui efface la flemme. Et lorsque l’un écrit des poèmes pour celle qu’il a rencontrée au moment de régler ses courses, le cœur de la promise ne comprend rien. Il ne joue pas cette musique pour elle, mais pour le souvenir d’une autre. Un véritable quiproquo sentimental.
Quelque part entre Dupieux et Dumont, Cette musique ne joue pour personne est une œuvre loufoque, un assemblage léger de récits tendres et burlesques. Un film délicat sur des truands dépassés, en roue libre dans un monde contemporain qui peine à les inspirer. Heureusement, la culture arrive à la rescousse de ces bourrus à la dérive : elle élève et rapproche les hommes et les femmes. Imparfait, mais charmant.
RÉALISATEUR : Samuel Benchetrit NATIONALITÉ : français, belge AVEC : François Damiens, Ramzy Bedia, Vanessa Paradis GENRE : Comédie DURÉE : 1h47 DISTRIBUTEUR : UGC Distribution SORTIE LE 29 septembre 2021