C’est pas moi : … c’est bien tout Leos Carax

Trois ans après la présentation en Compétition et en ouverture du Festival de Cannes de son long métrage Annette (Prix de la Mise en scène), le cinéaste était de retour sur la Croisette pour un projet plus modeste mais tout aussi fascinant, projeté dans une autre section, Cannes Première (en raison de sa durée courte).

Commande du Centre Pompidou pour une exposition « qui n’a jamais eu lieu » – le musée avait demandé au cinéaste de répondre en images à la question : « Où en êtes-vous, Leos Carax ? » – C’est pas moi prend la forme d’un essai introspectif d’une quarantaine de minutes. Brouillon, l’ensemble l’est assurément, sans que cela n’amenuise la qualité de l’objet. Lorgnant vers le Godard tardif (Adieu au langage ou Le Livre d’image), Leos Carax propose ainsi un patchwork d’images, provenant de sources diverses, et qu’il prend un malin plaisir à « malaxer ». La première phrase qui apparaît sur l’écran donne le ton : « Work in progress ». La comparaison avec le réalisateur de la Nouvelle Vague, décédé en 2022, ne se limite pas au travail de montage, mais se ressent au niveau de la voix off éraillée qui n’est autre que celle de Leos Carax.

Des images, il y en a beaucoup. Le montage est parfois brut, quelquefois plus symbolique avec des raccords d’analogie, souvent poétique

Des images, il y en a beaucoup. Le montage est parfois brut, quelquefois plus symbolique avec des raccords d’analogie, souvent poétique. Carax puise dans les œuvres qui l’inspirent tout en louant la magie du cinéma (voir la très belle scène de la pomme), évoque son enfance et la figure du père, pioche allègrement dans sa propre filmographie, avec de nombreux extraits ou célèbre la musique (on notera le très bel hommage rendu à Bowie) et les acteurs, au premier rang duquel figure Denis Lavant. Il se fait plus politique quand il montre la guerre, les images d’Isadore Greenbaum qui perturba en 1939 le rassemblement d’une organisation nazie américaine au Madison Square Garden (Carax est d’origine juive par sa mère), le combat des Femen, les photos de ceux qu’ils nomment « les salauds » (on y retrouve notamment Benyamin Netanyahou et Vladimir Poutine), celles de Nina Simone chantant « My skin is black », ainsi qu’un extrait de L’Émigrant de Chaplin (on en est tous un peu là, semble nous glisser le cinéaste).

C’est rythmé, joyeux et drôle (les jeux de mots fusent, « Tout est O.K. » devenant « Tout est K.O.) car le cinéaste, finalement, ne semble pas se prendre au sérieux

Carax nous convie dans son univers, et le voyage est passionnant (quoiqu’un peu déroutant, il faut bien l’avouer). C’est rythmé, joyeux et drôle (les jeux de mots fusent, « Tout est O.K. » devenant « Tout est K.O.) car le cinéaste, finalement, ne semble pas se prendre au sérieux, employant même le mot « imposture » pour se qualifier lui-même. Pour un bonheur total, il est conseillé de ne pas quitter la salle avant la fin du générique…    

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RÉALISATEUR : Leos Carax
NATIONALITÉ : France
GENRE : Essai instrospectif
AVEC : Denis Lavant, Ekaterina Yuspina, Loreta Juodkaite
DURÉE : 40 minutes
DISTRIBUTEUR : Les Films du Losange
SORTIE LE 12 juin 2024