Ça tourne à Séoul ! Cobweb - Corée - 2h13 - sortie 8/11/23 - 2023 - Réalisateur : Kim Jee-Won - Scénariste : Shin Yeon-Shick - LEGENDE PHOTO : Song Kang-Ho -

Ça tourne à Séoul! Cobweb : coupez!

Cinq ans après la sortie de Illang : la brigade des loups, l’auteur de A Bittersweet life et de J’ai rencontré le diable propose sa nouvelle création. Avec Ça tourne à Séoul ! Cobweb, Kim Jee-Woon met en scène un spectacle déjanté, à l’image de son cinéma, mais confirme ses difficultés à revenir à un haut niveau cinématographique et à égaler ses deux autres films cités précédemment. Si l’histoire de ce tournage compliqué fait doucement rire, le scénario n’est qu’un écrin vide dans lequel le cinéaste semble s’auto-parodier.

Séoul, 1970. Kim souhaite modifier la fin de son film Cobweb. Mais il se heurte à des événements imprévus.

Le réalisateur sud-coréen raconte les péripéties d’une équipe en galère qui tente vainement de tourner un film initialement voué à l’échec. Observer l’envers du décor, ce qui se passe en coulisse, constitue la seule originalité de cette production.

Kim Jee-Woon réalise un film qui parle de cinéma, de ces tournages souvent dantesques, apocalyptiques ou alors sabordés par la censure et les contraintes budgétaires. Ça tourne à Séoul ! Cobweb résume à peu près tout cela. L’œuvre énumère tout ce qui peut mettre à mal un film naissant, de sa conception scénaristique à sa réalisation. Elle nous plonge dans les secrets de fabrication du Septième Art, de ce qui se trame derrière les décors des studios et raconte le récit d’une équipe empêtrée dans une toile gigantesque. Kim Jee-Woon utilise la métaphore de l’araignée pour expliciter cette passion pour le cinéma, si obsédante qu’elle finit par atteindre les méninges d’un cinéaste en mal de gloire et désireux d’atteindre la perfection cinématographique. Quand l’arachnide se promène sur l’épaule ou sur le visage d’une actrice, cela renvoie parfaitement à cette quête effrénée de la réussite, mais aussi de la volonté de terminer un projet. Tel un huis-clos, ce film tisse sa toile à l’intérieur d’un studio emprisonnant tout un groupe piégé par un réalisateur aveuglé par la soif de gloire et de reconnaissance. Entre délire obsessionnel et joyeux bordel, il décrit une ambiance abracadabrantesque et quasiment survoltée, dans laquelle les acteurs et les techniciens se noient dans un déluge à tendance burlesque. Bien sûr, voir ce petit monde s’engluer dans une forme de folie artistique fait rire, et rappelle à quel point les tournages peuvent être délicats à gérer. Le seul attrait de cette réalisation réside uniquement dans cette idée de décrire ce qui se déroule autour de la caméra, de montrer que le cinéma est un univers de fantaisie intellectuelle.

Ça tourne à Séoul ! Cobweb tourne désespérément en rond. Malgré la description d’un tournage un peu fou, le scénario est une coquille vide qui tombe facilement dans la parodie cinématographique.

Kim Jee-Woon explore bien les méandres des studios, en y décrivant la cacophonie ambiante. Mais son scénario est dénué de toute substance, et se contente de mettre en scène la frénétique extravagance d’un cinéaste obsédé par le succès. Pourtant interprété par le génial Song Kang-ho, ce personnage n’en finit plus d’agacer et franchit allègrement les limites de la pédanterie. En représentant celui-ci de manière caricaturale, l’écriture s’embourbe dans une mauvaise parodie qui écorne l’image du réalisateur, entre autoritarisme et hystérie cinématographique. Ce n’est ni plus ni moins qu’une parodie indigeste, où celui qui dirige devient le cliché d’un cinéma moderne régi par la rentabilité et le désir de célébrité. Des sourires s’esquissent face aux situations ubuesques décrites ici, mais Kim Jee-Woon finit par concevoir une comédie pesante qui décrédibilise le statut du cinéaste. Hésitant entre parodie et critique de l’industrie actuelle, le Sud-Coréen s’enfonce dans un style comique qu’il ne maîtrise pas. Surtout, il peine à retrouver le niveau de ses précédents films, copiant même le cinéma de Park Chan-Wook et son triptyque sur la vengeance. La mise en scène est dynamique, mais le réalisateur en fait certainement trop. Ça tourne, vite, moteur, action…Mais, au bout d’un peu plus de deux heures où l’on contemple un cinéaste imbu de lui-même, à la recherche du chef-d’œuvre absolu, le mot coupez procure du bien. Kim Jee-Woon manque son objectif, en voulant mettre en scène le perfectionnisme exacerbé d’un personnage. C’est bien ce qui nuit à ce film.

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RÉALISATEUR : Kim Jee-Woon
NATIONALITÉ :  Corée du Sud
GENRE : Comédie
AVEC : Song Kang-ho, Im Soo-Jung, Jung-se Oh
DURÉE : 2h13
DISTRIBUTEUR : The Jokers/ Les Bookmakers
SORTIE LE 8 novembre 2023