Bridget Jones : folle de lui : modern love

C’était l’âge d’or de la comédie romantique, dû quasiment à un seul homme : entre 1994 et 2004, Richard Curtis a enchaîné, en tant que scénariste ou réalisateur, Quatre mariages et un enterrement (1994), Coup de foudre à Notting Hill (1999), Le Journal de Bridget Jones (2001), Love actually (2003), Bridget Jones : l’âge de raison (2004). Ces oeuvres qui demeurent de référence dans le genre de la comédie romantique, possèdent un point commun la présence de Hugh Grant, acteur fétiche de l’auteur. Il est amusant de noter aussi que Helen Fielding, romancière de la saga Bridget Jones, expression d’un point de vue féminin sur le genre, a été un bref moment la petite amie de Richard Curtis. Les deux ont donc présidé à la destinée de la comédie romantique : sens de la dérision, attitude décomplexée face à l’infidélité, incurable romantisme. Avec la dernière adaptation de la saga Bridget Jones, Helen Fielding, productrice de Bridget Jones : folle de lui, revient (sans Richard Curtis) sur le genre qui a fait sa gloire, la comédie romantique. Que peut encore la comédie romantique dans l’ère post-#MeToo?

Le temps a passé. A plus de cinquante ans, Bridget Jones est mère de deux enfants pré-adolescents. Quatre ans auparavant, elle a perdu son mari Mark Darcy, assassiné dans une mission humanitaire en Afrique. Veuve, elle revient donc à la case départ. Comment ne pas finir mère célibataire quand on s’occupe de deux enfants?

Le temps passe pour Bridget Jones mais hélas un peu moins vite pour le spectateur.

Bridget Jones, nous la connaissons tous. C’est la jeune femme mignonne, un peu enrobée, que l’on croise dans les couloirs des bureaux ou les compartiments de métro, au physique imparfait mais au tempérament plein de vie et de drôlerie. Elle tient son journal et oscille entre Daniel Cleaves (Hugh Grant), son patron, un charmeur volage, et Mark Darcy (Colin Firth), une connaissance d’enfance, qu’elle pense terriblement détester, tant l’hostilité de départ peut se révéler un carburant pour un amour solide. Bref, Bridget Jones, c’est un peu nous tous, une petite sentimentale qui a soif d’idéal, d’où l’immense phénomène d’identification dont a bénéficié l’héroïne créée par Helen Fielding.

Si on résume la formule Bridget Jones en quelques items, cela serait l’alliance entre une dramaturgie très rohmèrienne entre l’Elu et le Tentateur, des scènes comiques aux dialogues vachards (« Personne ne va sortir avec une fille qui s’habille comme une déportée d’Auschwitz », dixit la mère de Bridget) et un accompagnement de chansons pop plus ou moins féministes (« All by myself« , « Sorry seems to be the hardest word« , « Like a virgin« , « Respect« , « Think« , etc. ).

Si le goût des chansons pop (« Modern Love » de David Bowie, dans une chorégraphie de Renée Zellweger, moins épurée que celles de Denis Lavant dans Mauvais Sang ou de Greta Gerwig dans Frances Ha, « Should I stay or should I go » des Clash) est toujours à l’ordre du jour, et que Bridget, du fait de son veuvage, est redevenue célibataire, malheureusement le principal ressort de la franchise, soit l’opposition entre le libertinage et le mariage, a disparu, en raison du trépas de Mark Darcy, réduit à quelques apparitions fantomatiques à la Ghost, ou au reléguage en second rôle, savoureux mais sporadique, d’Hugh Grant, en Oncle Daniel.

De son côté, on retrouve Renée Zellweger en Bridget vieillie, n’ayant plus de problèmes de poids mais ressemblant davantage à Judy Garland à la fin de sa vie (cf. l’Oscar de Renée) qu’à la Bridget enrobée mais pétulante de jadis. La véritable histoire valable de ce dernier volet eût été de confronter une dernière fois le patron libertin à l’avocat décédé et de voir si l’un encore vivant était cette fois-ci capable de surpasser l’autre déjà mort. Au lieu de cela, Bridget Jones : folle de lui empile les clichés dont les spectacles de fin d’année pour parents d’élèves, la peur de se retrouver à regarder toute seule Netflix, et une succession (et non opposition) d’amourettes entre Bridget et un jeune homme qui a 25 ans de moins qu’elle puis un instituteur sympa qui n’a pas vu le temps passer. Certes le message exprimé du film est pour le moins politiquement correct et dans l’air du temps, valorisant la possibilité d’amours entre jeunes gens et femmes plus âgées, dénommées « cougars » ou MILF, ou encore de romances interraciales (l’instituteur étant Noir). Néanmoins on aurait souhaité un message peut-être moins politiquement correct en faveur de la diversité mais bien plus divertissant, tant le minot paraît d’une insignifiance absolue et l’instit d’une fadeur sans pareille. Comme quoi les excellents Colin Firth et Hugh Grant ne se laissent pas remplacer aussi facilement.

L’analyse la plus juste serait de constater que les seuls véritables volets de la saga Bridget Jones étaient manifestement les deux premiers car les seuls comportant tous les ingrédients nécessaires au succès, dont le triumvirat Zellweger-Firth-Grant. Hormis les fondus absolus de comédie romantique, beaucoup trouveront sans doute le temps très long en voyant Bridget Jones : folle de lui (2h05 tout de même alors que les précédents volets restaient à une durée raisonnable d’une heure et demie). Espérons toutefois que ce volet clôturera définitivement la franchise car, après avoir vu Bridget à la quarantaine (Bridget Jones Baby), puis Bridget à la cinquantaine (Bridget Jones : folle de lui), Bridget Jones sexagénaire ne s’impose guère. Le temps passe pour Bridget Jones mais hélas un peu moins vite pour le spectateur.

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RÉALISATEUR : Michael Morris 
NATIONALITÉ :  anglaise, américaine 
GENRE : comédie romantique 
AVEC : Renée Zellweger, Hugh Grant, Emma Thompson, Chewitel Ejiofor, Leo Woodall, Colin Firth
DURÉE : 2h05
DISTRIBUTEUR : Universal Pictures International France 
SORTIE LE 12 février 2025