Black Box Diaries : enquête autour d’un viol ou #MeToo à la japonaise

Le film a fait le tour du monde et s’est présenté à de nombreux festivals, présenté en avant-première au Festival du Film de Sundance 2024, étant même nommé pour l’Oscar du meilleur documentaire. Il nous raconte l’histoire d’une jeune journaliste japonaise de 25 ans, Shiori Itô, qui se voit agressée sexuellement par le directeur d’un journal prestigieux, chef du bureau de Washington du Tokyo Broadcasting System, dans un hôtel, un jour de l’année 2015. L’image de vidéo-surveillance qui la montre à demi-consciente sortant d’un taxi, portée dans les bras de l’agresseur, revient régulièrement pendant toute la durée du film, hantant la mémoire du spectateur, comme le traumatisme de l’agression hante la jeune femme. Elle semble en effet avoir été droguée auparavant dans le restaurant où elle avait rendez-vous.

La journaliste entame alors un long chemin de croix pour rétablir la vérité et faire comparaître son agresseur devant les tribunaux japonais. Mais elle se heurte à un système complexe et défaillant de la police à la justice, qui en somme protège les coupables de leurs actes, surtout lorsque ceux-ci bénéficient du soutien des hautes personnalités politiques comme c’est le cas de Noriyuki Yamaguchi, l’auteur du viol, qui entretient des relations proches avec le Premier Ministre lui-même Shinzo Abe. En effet, la police tente d’abord de décourager la jeune femme de porter plainte en arguant le manque de preuves satisfaisantes. Plus tard, la procédure d’arrestation de l’accusé est suspendue. Sa plainte est classée sans suite à plusieurs reprises. Jusqu’à ce qu’elle décide de faire une conférence publique où elle dévoile toute l’affaire. Mais étrangement, un seul média japonais, une chaîne de télévision, publie son témoignage.

Le film se présente comme un témoignage saisissant sur le combat d’une femme agressée sexuellement contre l’establishment de son pays et contre les lois et la tradition qui veut que la plupart des femmes dans leur écrasante majorité n’osent pas porter plainte en cas de viol.

C’est un récit à la première personne – à la façon d’un journal intime – où la réalisatrice multiplie les supports visuels, de la caméra de télévision à la DV, en passant par des images d’archive et par l’iPhone où Shiori Itô est à la fois devant et derrière la caméra, filmant son intimité et donnant ainsi un cadre biographique au film. Elle y montre à voir les différentes émotions à travers lesquelles elle passe dans son combat, de l’affliction à la tristesse, de la joie à la détermination dans sa lutte contre tout un système. Elle réussit heureusement à trouver des relais mais son affaire prend vraiment de l’importance et change peu à peu avec l’émergence du mouvement #MeToo en 2017. Elle semble peu à peu être mieux entendue et fait publier son témoignage sous forme de livre dans les librairies. Le Japon semble se réveiller de sa torpeur. Tout cela au risque de casser son image de journaliste. Car depuis l’affaire, elle ne parvient plus à retrouver du travail.

Le film se présente comme un témoignage saisissant sur le combat d’une femme agressée sexuellement contre l’establishment de son pays et contre les lois et la tradition qui veut que la plupart des femmes dans leur écrasante majorité n’osent pas porter plainte en cas de viol. Huit années seront nécessaires avant que ce combat porte ses fruits et le passage du temps – imagé par des nuages qui filent à vitesse accélérée dans le ciel ou un gros plan sur la pendule – contraste avec la douleur persistante qui envahit la jeune femme. Un espoir tout de même pour toutes les autres, même si le procès pénal ayant été refusé, elle a dû gagner au civil. Un film qui mérite d’être regardé par tout le monde.

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RÉALISATEUR : Shiori Itô
NATIONALITÉ :  Japon, Grande-Bretagne, U.S.A.
GENRE : Documentaire
AVEC : Shiori Itô
DURÉE : 1h42
DISTRIBUTEUR : Art House
SORTIE LE 12 mars 2025