Bergman Island : la possibilité d’une île

Septième film de Mia Hansen-Løve, Bergman Island représente son projet le plus international, dialogué en langue anglaise, ainsi que l’un de ses plus intrigants et fantasmatiques. Hommage à Ingmar Bergman, l’un des plus grands cinéastes de tous les temps, et à son île de prédilection, Fårö, Mia Hansen-Løve y explore ses thématiques du couple et de la recherche artistique. Bergman Island convainc dans un premier temps par son approche décomplexée du phénomène Bergman, avant de s’étioler quelque peu par une comparaison fiction/réel un peu trop scolaire pour être effective.

Chris et Tony passent des vacances en résidence d’artistes à Fårö. Ils découvrent avec émerveillement l’île. Quelques signes de dissension apparaissent mais sont noyés dans le bonheur de vie sur l’île. Chris finit par raconter à Tony l’histoire qu’elle a écrite ces derniers jours…

Bergman Island convainc dans un premier temps par son approche décomplexée du phénomène Bergman, avant de s’étioler quelque peu par une comparaison fiction/réel un peu trop scolaire pour être effective.

Le début de Bergman Island réunissant et détournant les poncifs sur l’oeuvre bergmanienne « – on cherchait un film sympa de Bergman pour terminer la journée. – il n’y en a pas« . Le spectateur découvre avec les personnages que l’île de Bergman est devenue un gigantesque Tour Operator culturel, avec Bergman Week, Bergman Safari, etc. Mia Hansen-Løve profite de sa grande érudition bergmanienne pour citer les titres qui lui sont chers, y compris des peu connus (De la vie des marionnettes). L’on s’amuse donc de cet incessant jeu de références à travers les personnages de Vicky Krieps et Tim Roth qui jouent pour nous les parfaits Candide. La splendeur des magnifiques paysages de Fårö, filmés à cette occasion en couleur, contrairement aux images âpres des Bergman des années 60 (Persona, L’Heure du Loup, La Honte). Sont abordés sans avoir trop l’air d’y toucher la dichotomie entre l’art et la vie (peut-on admirer un artiste dont la vie n’a pas été exemplaire?), ce qui retient chez Bergman alors que ses films font souvent du mal aux spectateurs, comment Bergman a pu faire neuf enfants tout en créant une soixantaine de films et encore davantage de mises en scène de théâtre, etc. L’aspect quiz bergmanien s’avère donc plutôt sympathique et sans prétention.

Il en advient un peu autrement lorsque Mia Hansen-Løve s’essaie réellement à faire de la fiction, en mettant en images l’histoire que Chris a inventée lors de son séjour sur l’ïle. Même avec l’aide précieuse de la merveilleuse Mia Wasikowska et du formidable Anders Danielsen Lie, cette deuxième partie apparaît plus que gratuite, comme si la réalisatrice avait voulu prouver qu’il était possible de raconter une autre histoire bien plus légère que celles de Bergman sur sa fameuse île. Mia Hansen-Løve a en fait écrit la troisième partie de son film Un Amour de jeunesse, en inventant une suite, un peu à la manière de la trilogie des Before de Richard Linklater : Chris reste en fait taraudée par une histoire d’amour inaccomplie avec l’un de ses acteurs. A rebours du film d’horreur que l’on aurait pu présager, la comédie romantique restera lumineuse, jusqu’à se perdre quasiment dans l’insignifiance. De cette partie, on retiendra surtout une ébouriffante séquence de danse de Mia Wasikowska sur The Winner takes it all d’Abba. Il manque au film une véritable conclusion, voire une troisième partie où se seraient réellement entremêlés les personnages de l’île et de la fiction (le personnage d’Amy est trop vite sacrifié lors de la fin) pour marquer réellement les esprits. L’ensemble du film ne s’avère pas inoubliable mais laisse une impression agréable de voyage divertissant et distille un véritable charme. Car le spectateur n’a guère l’occasion d’embarquer tous les jours pour Fårö.

3.5

RÉALISATEUR : Mia Hansen-Løve 
NATIONALITÉ : française, suédoise
AVEC : Vicky Krieps, Tim Roth, Mia Wasikowska, Anders Danielsen Lie. 
GENRE : Comédie dramatique
DURÉE : 1h52 
DISTRIBUTEUR : Les Films du Losange 
SORTIE LE 14 juillet 2021