Attendu pour le Festival de Cannes 2019 (le tournage a été reporté pour cause d’accident de la hanche de Paul Verhoeven) puis 2020 (pour les raisons que l’on sait), Benedetta est enfin présenté lors de l’édition 2021 du 74ème Festival de Cannes. Le projet soi-disant sulfureux de Verhoeven sur la nonne Benedetta Carlini, avec Virginie Efira, est pourtant, contrairement à sa réputation, fort loin d’un film érotique. Verhoeven profite en fait de cette histoire pour explorer la thématique sur les tourments du corps, la souffrance qui en est consubstantielle et les relations entre vérité et mensonges.
Au 17ème siècle, alors que la peste se propage en Italie, la très jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia en Toscane. Dès son plus jeune âge, Benedetta est capable de faire des miracles. Lorsque Bartholomea est vendue par son père et rejoint le couvent des soeurs, la vie de Benedetta va changer…
On a souvent considéré Verhoeven comme un épicurien sensuel. Or il existe chez lui une dimension de puritanisme qui n’est pas négligeable. Le corps ne va pas forcément de soi. Lorsqu’il jouit, il est fréquemment puni par la maladie (Turkish Delight) ou la mort (Basic Instinct). Dans Benedetta, le sexe n’est pas source de joie mais de souffrance, d’auto-flagellation et de culpabilité rétroactive. Lorsque Benedetta commence à ressentir une attirance homosexuelle pour Bartholomea, elle la punit en la forçant à se brûler la main dans une cuve d’eau bouillante. Dans le même ordre d’idées, son sommeil est troublé de cauchemars, n’indiquant pas une sexualité s’épanouissant dans le bonheur absolu. Par conséquent, Verhoeven rejoint ici son couple lesbien de Basic Instinct, formé par Catherine Trammell et son ange-esclave blond, reproduisant le schéma relationnel Jésus-Judas, avec une belle trahison à la clé. Bien plus que le sexe, Verhoeven s’attache à la relation tissée de vérités, de mensonges et de trahisons entre une dominante et une dominée, sans que l’on sache exactement qui fait l’ange ou la bête.
Comme tous les films de Verhoeven, Benedetta n’est pas exempt de mauvais goût, de plans chocs (un serpent en gros plan, un sextoy « religieux ») et gore (les fameux stigmates de Benedetta, les corps consumés par la Peste) mais il ne s’agit en fait que d’un décorum de bazar qui encadre le véritable sujet de Verhoeven dans ce film : la vérité du personnage de Benedetta. Est-elle vraiment une martyre comme elle le prétend? Ou ne serait-elle qu’une affabulatrice du pire acabit, utilisant du verre pour s’auto-mutiler et faire croire à une possession de son corps par le Christ? Le film ne tranche pas véritablement et nous laisse face à nos interrogations, induisant un véritable suspense psychologique. L’autre sujet de Benedetta, aussi intéressant que le premier, réside dans la répression opérée par les autorités religieuses face à un phénomène qui dépasse leur entendement et leur influence. Verhoeven, qu’on avait accusé d’anti-lesbianisme, en raison de la description de meurtrières gay dans Basic Instinct, prend ici la défense d’amoureuses lesbiennes qui doivent subir les avanies et les châtiments de l’Eglise, personnifiée ici par le personnage du Nonce interprété par Lambert Wilson.
Même si Verhoeven ne signe pas avec Benedetta l’un de ses meilleurs films, quelques scories pouvant sortir certains spectateurs de son oeuvre, il ne démérite pas en décrivant avec franchise, crudité et beaucoup d’humour (le Hollandais Violent a ainsi mitonné quelques punchlines assez sarcastiques) une période, le dix-septième siècle, dans laquelle figurent des éléments étrangement persistants à notre époque, l’intolérance face à l’homosexualité, la pandémie galopante, l’hypocrisie des institutions.
RÉALISATEUR : Paul Verhoeven NATIONALITÉ : française, néerlandaise. AVEC : Virginie Efira, Daphné Patakia, Lambert Wilson, Charlotte Rampling, Louise Chevillotte. GENRE : Drame, historique DURÉE : 2h06 DISTRIBUTEUR : Pathé SORTIE LE 9 juillet 2021