Astrakan : l’enfant sauvage

Voici le premier long-métrage réalisé par David Depesseville, qui a notamment travaillé comme assistant réalisateur sur Gaby Baby Doll de Sophie Letourneur. Avec ce film aussi étrange que déroutant, le cinéaste montre le parcours d’un adolescent orphelin, cabossé par les tragédies de la vie, se retrouvant placé dans une famille d’accueil. En évoquant ce parcours sinueux et chaotique, Astrakan se mue en une exploration des pertes des repères familiaux, puis pose la question de l’impossible reconstruction personnelle. Avec un réalisme froid, le film met en scène une sorte d’enfant sauvage tourmenté par un terrible passé. La mise en scène est parfois trop lente, malgré son aspect soigné. Cependant, Astrakan réfléchit sur l’utilité de la mise au monde dans un environnement inadapté et si anxiogène.

Le jeune Samuel, orphelin, est accueilli dans une famille, avec d’autres enfants placés. L’adaptation ne se fera pas aussi bien que prévu, les souvenirs douloureux remontant rapidement à la surface.

Astrakan est le nom donné aux fourrures d’agneaux morts-nés, vivant en Russie d’Asie. Le titre du film revêt ainsi une symbolique particulière, celle de la naissance.

Certaines attitudes de ce jeune Samuel trahissent une psychologie légitimement perturbée, lui donnant alors une image d’enfant sauvage peu réceptif aux différentes règles. Toutefois, sous cette violence sourde, se cache la problématique d’une existence remise en cause par une succession d’événements psychiquement déstabilisants. Des dérèglements psychiques découlent de ces tragédies, et Astrakan le montre bien, à travers ce Samuel aux penchants violents et autodestructeurs. Le scénario souligne le lien entre cet orphelin et cette peau d’animal, deux êtres vivants victimes de naissances manquées. L’acteur Mirko Giannini incarne un collégien remettant en question sa place dans le monde, son utilité, se questionnant sur le véritable sens de sa vie. David Depesseville glisse plusieurs allusions à la maternité, renvoyant alors à l’image de la mère disparue et aux symboles de la mise au monde (et de l’agnelage). Avec une dureté saisissante, Astrakan établit la représentation d’une personnalité chancelante, souvent au bord de l’acte irréversible, remplie d’une sauvagerie troublante. Extrêmement fort, ce portrait d’enfant émeut, et tend à décrire un caractère tempétueux et colérique, mélangé à une mélancolie latente.

Sur le fond, Astrakan possède des éléments intéressants avec, au centre du récit, un personnage captant toutes les attentions. Sur la forme, l’œuvre bénéficie d’une mise en scène propre, mais trop lente. Presque trop contemplatif, le film manque de souffle, d’une énergie faisant ressortir la bestialité de cet enfant sauvage. Fréquemment à la lisière du thriller, l’intrigue nous laisse par moments sur le bord de la route, malgré quelques passages démontrant les pires bassesses de l’esprit humain, entre moqueries et jugements, où Samuel doit affronter le harcèlement d’autres élèves. David Depesseville filme cependant un adolescent pris dans un tourbillon d’incompréhension, de rejets, de questionnements. Ainsi, il évoque en filigrane l’un des grands malaises de la société, celui de la différence. À la question de la difficile reconstruction, Astrakan répond de manière abrupte en décrivant une violence engendrée par les drames, agissant quasiment comme une forme de protection et de vengeance. Tout l’intérêt réside dans la présence dominante de ce personnage principal rempli d’ambiguïté, créant compassion et antipathie, doté d’une impulsivité imprévisible, mais tout de même attachant, une victime indirecte d’une vie marquée par les épreuves.

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RÉALISATEUR : David Depesseville
NATIONALITÉ : France
GENRE :  Drame
AVEC : Bastien Bouillon, Jehnny Beth, Mirko Giannini
DURÉE : 1h44
DISTRIBUTEUR : New Story
SORTIE LE 8 février 2023