Amsterdam : analyse d’un naufrage cinématographique

David O’Russell est un réalisateur confirmé. Des œuvres comme Fighter, Happiness Therapy ou American Bluff lui ont permis d’avoir une consécration critique et commerciale. Joy a obtenu un succès d’estime. Le cinéaste revient enfin cette année avec cette production de la Twentieth Century Fox, dont le projet fut initié dès 2020. Malheureusement, Amsterdam est une tentative de divertissement hasardeuse et plus que balbutiante. Le metteur en scène s’est chargé lui-même d’écrire ce scénario dont l’intrigue se situe dans l’Amérique de l’entre-deux guerres, et qui serait en grande partie tirée d’une histoire vraie. Pourtant porté par une distribution alléchante, ce film ne parvient pas du tout à satisfaire les attentes, dérivant progressivement vers un inéluctable naufrage sur grand écran. Les raisons de cette catastrophe que l’on pourrait qualifier d’industrielle ne viennent pas uniquement de la réalisation de David O’Russell, mais de l’ensemble de la structure scénaristique qui a tendance à être trop brouillonne. 

Comme dit en préambule, Amsterdam s’inspire partiellement d’un fait divers. Dans les années 30, une organisation fasciste tente de renverser le président américain Franklin Delano Roosevelt. Trois amis, liés par un pacte d’amitié et accusés à tort d’un homicide, vont mettre à jour ce sordide complot. 

Amsterdam contenait suffisamment d’ingrédients pour être un divertissement de qualité, mais David O’Russell produit un résultat ennuyant et sans âme.

Dire cela s’avère difficile, surtout avec cette distribution cinq étoiles, vendeuse, qui promettait un moment appétissant. Que nenni ! La présence de ces talentueux interprètes est de loin le seul atout de ce film. Alors qu’ils se montrent bons dans leurs prestations respectives, il est notamment regrettable de les voir se fourvoyer dans un scénario sans queue ni tête, partant dans tous les sens. Confuse, l’écriture part effectivement dans plusieurs directions, de l’évocation des gueules cassées de la Première Guerre mondiale jusqu’à la révélation de cette tentative de coup d’État. Aucun rapport ne peut être a priori établi entre ces deux éléments. Pourquoi parler de ces hommes sous morphine, d’un lien d’amitié fort et ensuite donner à ce film une tournure plus politique ? En partant d’un fait réel, le cinéaste américain semble pourtant s’en éloigner, en extrapolant certainement trop. Ce récit autour des vétérans constitue sans doute un prétexte pour décrire le contexte, mais cela ne possède pas véritablement de sens. Le ton, résolument décalé, contraste surtout avec la teneur dramatique de l’histoire initiale. En effet, le cinéaste se moque de ces visages abîmés, en incluant un humour noir malvenu. Avec une inconvenante ironie, le cinéaste dévoile un scenario foutraque lourdement composé d’incohérences, de longueurs et de tergiversations inutiles. Mais, avec un meurtre au coeur de l’intrigue et son enquête policière trépidante qui paraissait se profiler, on pouvait espérer assister à un déroulement passionnant, embarquant le spectateur dans une série de rebondissements loufoques. Au lieu d’avoir cette fantaisie nécessaire, Amsterdam s’enferme dans un style convenu, d’une grande platitude. Le film se trouve loin de répondre aux codes du divertissement et à ses exigences artistiques. Ce que propose le cinéaste n’est d’ailleurs pas aisément compréhensible. À t-il souhaité divertir ou réaliser un film plus sérieux relatant un fait historique méconnu ? Le film entretient le flou sur son objectif, se contente de mélanger maladroitement les genres, en multipliant les ruptures de tons sans aucune cohérence. Probablement qu’il aurait mieux fait de se concentrer plus en profondeur sur ce fameux groupe de complotistes déterminés à renverser le Président américain, et non pas sur ces trois protagonistes n’ayant aucun lien avec la situation politique.  

Cependant, O’Russell considère son film comme une œuvre sur l’amitié. Il est vrai que les relations entre les deux hommes ayant comme point commun d’avoir été défigurés représentent le meilleur de ce film. Déstabilisants, ces passages qui rappellent les drames humains observés dans Happiness Therapy correspondent le plus au style du cinéaste. Ces hommes physiquement brisés, en proie aux douleurs, représentent les affres de la guerre, mais ne se rattachent guère au contexte politique. En tout cas, le lien amical existe et se transmet au spectateur, décrivant presque une fusion humaine entre des personnages cabossés par la vie, ce qui constitue une maigre consolation venant rehausser légèrement le niveau du film.

Décors clinquants, voitures rutilantes, esthétique brillante. Ces composantes techniques se trouvent ici au rendez-vous. Peut-on en dire autant de la mise en scène ? Excessivement théâtrale et regorgeant de scènes où les bavardages ressemblent à d’incessantes joutes verbales, elle ne fait qu’illustrer le chaos imposé par l’écriture. Autant dire que tout cela crée une sensation indigeste d’une oeuvre qui sera tristement vite oubliée.  

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RÉALISATEUR :  David O'Russell
NATIONALITÉ : Américaine
AVEC : Christian Bale, Margot Robbie, John David Washington, Anya Taylor-Joy, Rami Malek, Michael Shannon, Mike Myers
GENRE : Comédie
DURÉE : 2h14
DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France
SORTIE LE 2 novembre 2022