Qui est cette American Girl ? Après avoir visionné le film, on se pose encore la question. Le titre choisi pour son exploitation en France n’a que peu de rapport, voir aucun, avec le sujet traité. À croire que le marketing français ne peut s’empêcher de tout « américaniser ». Quitte à choisir un titre en anglais, pourquoi ne pas avoir conservé le titre original Luckiest Girl Alive ? Une option beaucoup plus cohérente et surtout plus fidèle au matériau d’origine, à savoir le roman éponyme de Jessica Knoll, qui officie ici en tant que scénariste.
L’histoire débute à New-York où Ani Fanelli (Mila Kunis), une jeune femme aux origines modestes, semble avoir accompli tous ses rêves de jeunesse : une carrière prometteuse dans le journalisme, un train de vie aisé et un mariage en vue avec un bon parti. Mais lorsqu’un réalisateur de documentaires la contacte pour évoquer un sombre épisode de son passé, cette vie parfaite, qu’elle s’est créée, se retrouve soudainement menacée.
American Girl est un film, ancré dans son époque, qui témoigne des dommages causés par l’omerta dans certains milieux privilégiés.
L’introduction du film de Mike Barker, réalisateur britannique mineur, est quelque peu laborieuse. Les premières images d’American Girl ne sont pas sans rappeler celles de certains téléfilms du dimanche après-midi. Le tout parsemé d’effets de mise en scène assez grossiers comme une voix-off nous dévoilant les pensées sarcastiques d’Ani ou bien encore des hallucinations fugaces illustrant les souvenirs traumatiques de la jeune femme – du sang qui apparaît sur la lame d’un couteau par exemple.
Mais à mesure que nous progressons dans l’intrigue, le passé d’Ani refait surface et avec lui, tout un ensemble de thématiques sensibles et très actuelles : le consentement, le harcèlement scolaire, les tueries de masse aux États-Unis. Et au dessus de tout ça, la remise en cause de la parole des victimes, et en particulier celle des femmes. American Girl est un film, ancré dans son époque, qui témoigne des dommages causés par l’omerta dans certains milieux privilégiés. L’agression, passée sous silence, d’Ani la ronge littéralement de l’intérieur et ne lui permet de vivre qu’un bonheur feint, parfaitement superficiel.
Les séquences en flash-backs sont de loin les plus réussies du film, grâce à une photographie soignée, un certain sens du cadre, et surtout l’interprétation époustouflante de Chiara Aurelia, déjà repérée dans la mini-série Cruel Summer sur Amazon Prime. Son jeu éclipse totalement celui de sa version adulte incarnée par Mila Kunis. Difficile de rester insensible face à la scène de viol collectif filmée du point de vue d’Ani, avec des ellipses représentant ses pertes de connaissance liées à une consommation excessive d’alcool. Des images chocs mais nécessaires pour rendre la version des événements d’Ani indiscutable.
Alors que nous venons de célébrer les 5 ans du mouvement #MeToo, American Girl raconte avec simplicité la nécessité de libérer la parole des femmes. Dommage que ce discours important ait vu sa portée diminuée par une enveloppe pas toujours des plus subtiles.
RÉALISATEUR : Mike Barker NATIONALITÉ : Américaine AVEC : Mila Kunis, Chiara Aurelia, Finn Wittrock GENRE : Drame, Thriller DURÉE : 1h53 DIFFUSEUR : Netflix SORTIE LE 7 octobre 2022