Venu de l’animation et du court métrage, Bertrand Mandico a fait une entrée fracassante dans le long-métrage ces dernières années avec Les Garçons sauvages. Depuis il a confirmé l’existence de son univers avec les moyens métrages UltraPulpe et The Return of Tragedy. After Blue (Paradis Sale) présenté à l’Etrange Festival, après le festival de Locarno, a déjà des allures de film-bilan récapitulatif où Mandico poursuit son exploration d’un monde presque exclusivement féminin, un cosmos désertique, organique, rempli de désir, de fumigènes et de sexes en pièces détachées.
Dans un futur lointain, sur une planète sauvage, Roxy, une adolescente solitaire, parfois aussi dénommée Toxic, délivre une criminelle ensevelie sous les sables, qui répond au doux nom de Kate Bush, comme l’icône de la pop music. A peine libérée, cette dernière sème la mort. Tenues pour responsables, Roxy et sa mère Zora sont bannies de leur communauté et condamnées à traquer la meurtrière. Elles arpentent alors les territoires surnaturels de leur paradis sale…
Complètement fou, toujours aussi expérimental, défrichant un univers qui n’appartient qu’à Bertrand Mandico, After Blue reste dans les pupilles diffractées bien des années-lumières après la projection.
After Blue affirme haut et fort la persistance de l’univers de Bertrand Mandico, échappant à tout naturalisme, exprimant un surréalisme de cinémathèque, qui emprunterait autant aux films érotiques de Jean Rollin qu’à l’esthétisme de Dario Argento. On y retrouvera en partie le casting presque exclusivement féminin des Garçons sauvages, avec des présences récurrentes comme Elina Lewinsohn, l’excellente Vimala Pons ou Pauline Lorillard. Le prétexte dramatique est extrêmement ténu : sur une planète qui semble n’appartenir qu’aux femmes, tout comme La Cité des femmes de Fellini, deux femmes, une fille et sa mère, partent à la recherche d’une meurtrière dénommée Kate Bush (hommage à la reine de la pop, qui avait déjà été évoquée dans The Return of Tragedy). Western SF tout à fait surprenant, le film emprunte à tous les genres (film arty, érotico-sexuel, fantastique, etc.) sans se dédier à un seul.
On pourrait dire selon l’expression proverbiale « qui trop embrasse mal étreint« . Ce n’est pas complètement faux ; After Blue sur plus de deux heures manque de la concision et de la fulgurance d’Ultra Pulpe, en voulant nous embarquer au long cours dans une dimension fantasmatique inconnue. Néanmoins, en dépit des longueurs, des redites et des paraphrases, After Blue confirme l’existence d’un véritable auteur, d’un authentique univers, même pour ceux qui pourraient s’y montrer réfractaires. C’est sans doute ce qu’a voulu signifier le Prix Fipresci décerné au film à Locarno. En voyant ce film, il est clair que Mandico n’est pas près de se ranger dans le cinéma traditionnel. Si After Blue a des allures de film-bilan, alors qu’il ne s’agit que d’un deuxième film, c’est que Mandico a déjà une bonne quinzaine d’années de courts métrages d’animation derrière lui. Complètement fou, toujours aussi expérimental, défrichant un univers qui n’appartient qu’à Bertrand Mandico (et peut-être aussi Yann Gonzalez), After Blue reste dans les pupilles diffractées bien des années-lumières après la projection.
RÉALISATEUR : Bertrand Mandico NATIONALITÉ : française AVEC : Elina Löwensohn, Paula Luna, Vimala Pons GENRE : science-fiction, western DURÉE : 2h07 DISTRIBUTEUR : UFO distribution SORTIE LE 16 février 2022