A Star is born : Gaga superstar

A Star is born de Bradley Cooper représente la quatrième version d’Une Etoile est née, l’oeuvre de William Wellman, datant de 1937 avec Janet Gaynor et Fredric March, et donc son troisième remake après celui de George Cukor en 1954 et l’autre de Frank Pierson en 1976. La version de référence est devenue dans l’inconscient collectif celle de George Cukor, grâce à sa distribution légendaire, Judy Garland et James Mason. Après des remakes tous les vingt ans, il a fallu cette fois-ci plus de quarante ans pour sortir cette nouvelle version d’une histoire archétypale.Etait-ce en définitive une bonne idée?

Comme All about Eve de Joseph L. Mankiewicz, l’histoire de A Star is born est devenue un grand poncif hollywoodien: au lieu d’une comédienne prenant la place d’une autre, deux artistes se rencontrent et essaient tant bien que mal de vivre une histoire d’amour fou, en dépit de la jalousie et de la rivalité artistiques. L’un se trouve sur la pente déclinante, l’autre sur la voie ascendante. Cela va se terminer comme souvent, dans le plus beau des mélodrames, ce qu’est incontestablement la version de George Cukor qui tire encore des larmes aujourd’hui au plus insensible des spectateurs, avec sa formidable réplique finale « Ici, Mme Norman Maine ». Encore faut-il pouvoir renouveler cette histoire désormais bien rebattue.

Le grand atout du film demeure en effet une Lady Gaga exceptionnelle en chanteuse et comédienne, dont les chansons, interprétées en live et donnant plus d’une fois le grand frisson, de futurs classiques, pourraient lui valoir plus d’une statuette dorée.

Soyons clairs, nous n’avons strictement rien contre les remakes. Si George Cukor n’avait pas fait un remake de Une Etoile est née, il n’aurait pas réussi un des meilleurs films de sa filmographie. Idem pour Howard Hawks et La Fille du vendredi. Le problème de A Star is Born provient du fait qu’il n’est pas véritablement un remake de l’original de Wellman et encore moins du remake de Cukor, il est en fait un remake du film de Frank Pierson de 1976, oeuvre anecdotique, surtout destinée à faire vendre à l’époque les disques de Barbra Streisand et de Kris Kristofferson. Hollywood n’est plus la toile de fond, le contexte du film se concentrant sur l’univers de la musique et du disque. Malheureusement cette toile de fond est traitée de manière assez caricaturale, on est loin du souci documentaire de George Cukor de dresser le portrait d’Hollywood et de ses méthodes de tournage. Tout au plus, peut-on voir dans le film de Cooper, la défaite programmée et annoncée du rock, blues et country-folk, c’est-à-dire de la musique réalisée avec des instruments naturels, face au tout-électro et techno, numérique et synthétique, froid et sans âme. Mais ce thème n’est jamais réellement exploité à sa juste mesure.

Quant à l’histoire d’amour, l’émotion tragique venait dans la version Cukor de la différence d’âge sensible entre James Mason et Judy Garland. Or, comme dans la version Streisand-Kristofferson de Frank Pierson, elle n’existe quasiment pas ou plus entre Lady Gaga et Bradley Cooper. L’un est bien trop jeune pour jouer les Pygmalion tandis que l’autre est déjà un peu trop avancée en âge pour jouer les débutantes innocentes. Le film peut néanmoins se voir comme une métaphore de la relation à l’écran existant entre Bradley Cooper et Lady Gaga. Cooper, en faisant beaucoup dans les graves, ne parvient pas à être complètement crédible dans son rôle de perdant magnifique, ni en chanteur de rock, tandis que le talent dramatique et la présence charismatique, qu’on l’aime ou pas, de Lady Gaga, déjà largement remarquée dans American Horror Story, explosent au grand jour, renvoyant aux oubliettes la prestation de son partenaire. Enthousiaste, démaquillée, réellement jolie, contrairement à ce qu’elle a longtemps prétendu, elle s’impose comme actrice à part entière et est la seule à tirer incontestablement son épingle du jeu dans ce projet, même si elle n’arrive pas encore à la cheville d’une bouleversante Judy Garland. Cooper, en dépit de tous ses efforts méritoires, réussit l’exploit d’être moins émouvant en gros plan que le formidable James Mason en plan large, l’un des comédient qui ont su le mieux jouer l’ivresse au cinéma. D’une certaine manière, ce différentiel-déséquilibre entre les deux comédiens et chanteurs donne ainsi une certaine signification involontaire à l’histoire de A Star is born. Quant à la réactualisation de Bradley Cooper, elle demeure à proprement parler, passable, sans faire d’étincelles, sa principale figure de style consistant à se rapprocher des visages en steadycam. Pour un premier film, il n’a ni formidablement réussi ni raté sa cible, même si on rêve encore de ce qu’aurait pu faire Clint Eastwood, premier réalisateur pressenti pour ce remake de cette histoire d’autodestruction. Pour être précis, la première heure, approximativement jusqu’à la consécration d’Ally (Lady Gaga), est plutôt réussie ; en revanche, lorsque le film se concentre sur la déchéance de Jackson Maine (Bradley Cooper), il suit malheureusement la pente descendante du personnage, contrairement au film de Cukor qui se termine par 40 minutes sensationnelles qui ne font que monter en intensité, en parallèle du déclin de James Mason. Par conséquent, même si le film de Cukor possède aussi ses imperfections (montage parfois approximatif, chansons assez datées), la version de Bradley Cooper n’arrive pas à son niveau mais reste largement supérieure à celle de Frank Pierson. A l’arrivée, A Star is born est surtout un grand mélo classique et efficace, qui ressemble un peu trop par moments à un clip de promotion des tournées de Lady Gaga. Le film est d’ailleurs produit par Live Nation, la société de production de concerts bien connue. On pourra néanmoins le recommander aux fans hardcore de la chanteuse pour ses impressionnantes performances vocales, à condition de ne pas se souvenir trop précisément des versions précédentes. Le grand atout du film demeure en effet une Lady Gaga exceptionnelle en chanteuse et comédienne, dont les chansons, interprétées en live et donnant plus d’une fois le grand frisson, de futurs classiques (Shallow, Look what I found, Is that alright?, Always remember us this way, I’ll never love again), pourraient lui valoir au moins une statuette dorée.

3.5

RÉALISATEUR : Bradley Cooper 
NATIONALITÉ :  américaine 
GENRE : drame, musical, romance  
AVEC : Lady Gaga, Bradley Cooper 
DURÉE : 2h16 
DISTRIBUTEUR : Warner Bros France 
SORTIE LE 3 octobre 2018