A normal family : de la violence en milieu adolescent

Présenté au Festival International du Film de Toronto 2023, le film est une adaptation du roman Le Dîner (2009) de l’écrivain néerlandais Herman Koch. C’est un film de commande inhabituel pour son réalisateur qui n’a pas travaillé à l’écriture du scénario. Il nous présente la famille élargie de deux frères et de leurs épouses respectives avec leurs enfants sans oublier la grand-mère grabataire qui vit encore chez l’un de ses fils. L’un est un avocat brillant mais cynique, l’autre un chirurgien idéaliste travaillant dans un hôpital. A la suite d’un accident – doublé d’un meurtre – provoqué par une voiture lancée à toute allure comme un projectile contre une autre automobile, une petite fille est grièvement blessée et c’est Jae-Gyu qui va la prendre en charge, l’opérer et finalement la sauver. Jae-wan, son frère devient alors l’avocat du mis en cause accusé de meurtre, et n’hésite pas à lui souffler les mots qu’il devra prononcer au jour du procès pour obtenir sa libération tout en comptant sur la possibilité de s’en sortir avec une simple réparation numéraire.

Les deux frères se voient ainsi opposés tant sur le plan de leurs opinions personnelles que du point de vue de leur profession respective : l’un sauve des vies tandis que l’autre défend des criminels sans scrupules. Mais la vidéo de l’accident circule et est notamment visionnée par le fils de Jae-Gyu, adolescent malingre et souffre-douleur de ses camarades de classe, et la fille dévergondée de Jae-wan qui invite ce dernier à l’une de ses soirées. C’est au cours de celle-ci que les deux adolescents vont commettre l’irréparable.  Le film pose la question de la violence contagieuse transmise et banalisée par les réseaux sociaux. La mère du jeune garçon l’invite d’ailleurs à ne pas trop aller sur Youtube mais son conseil reste lettre morte. Les adolescents se montrent, à la différence des adultes, complètement indifférents au tort qu’ils font et délicieusement insensibles à la mort des autres, tableau empreint d’une grande cruauté à l’instar du constat fait par Michael Haneke dans Benny’s Video (1992) ou encore Funny Games (1997).

L’actualité est encore là aujourd’hui pour nous le prouver, le film se montre particulièrement réaliste dans l’état des lieux qu’il fait d’une jeunesse à la violence aussi incontrôlable qu’imprévisible dont les causes sont multiples.

L’actualité est encore là aujourd’hui pour nous le prouver, le film se montre particulièrement réaliste dans l’état des lieux qu’il fait d’une jeunesse à la violence aussi incontrôlable qu’imprévisible dont les causes sont multiples. Les réseaux sociaux, nous l’avons dit mais aussi l’attitude des parents et plus particulièrement de Jae-wan qui cède à tous les caprices de sa fille au tempérament plutôt vénal que rien ne vient rattraper et qui se montre comme un personnage absolument négatif du film. D’autant plus que les adultes ont un comportement hésitant, oscillant entre la volonté d’être objectif et juste en mettant en sourdine tout l’amour qu’ils portent à leurs enfants, et celui de sauver à tout prix ces derniers de la prison. C’est au cours de dîners organisés en tête-à-tête qu’ils se confient leurs doutes, leurs craintes et leurs espoirs, hors de la présence de leurs enfants. Car ce qui marque le film, c’est la difficulté qu’ils ont à parler avec ces derniers, ou du moins à obtenir d’eux des aveux et un repentir sincères.

Le montage fait progressivement s’accroître la tension organisée autour de l’évènement central, la petite musique au piano qui accompagne les images ne faisant qu’en souligner les accès. Nous est posée la question de savoir jusqu’où nous sommes prêts à aller pour l’amour de nos enfants, pour défendre la chair de notre chair, si tant est qu’elle en vaille la peine, ce qui semble loin d’être le cas ici. Et si la violence des jeunes n’était que le reflet d’une société adulte elle-même fondée irrémédiablement sur la violence? Une violence prête à se manifester extérieurement à tout instant – l’idéalisme de Jae-gyu ne le met pas à l’abri d’en être contaminé, et le sentiment de frustration du jeune garçon n’a d’égal que le caractère débridé et insouciant de la jeune fille. Bref, tout est cruauté et noirceur – peut-être trop – dans ce film qui ne plaira peut-être pas à tout le monde mais ouvre en tous cas à la réflexion.

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RÉALISATEUR : Hur Jin-Ho
NATIONALITÉ :  Corée du Sud
GENRE : Drame, Thriller
AVEC : Sul Kyung-gu, Jang Dong-gun, Hee-ae Kim, Claudia Kim
DURÉE : 1h56
DISTRIBUTEUR : Diaphana Distribution
SORTIE LE 11 juin 2025