Face aux menaces qui affluent, le terrorisme djihadiste, le réchauffement climatique, la pandémie du Covid-19, n’en jetez plus, etc. , le monde paraît littéralement à bout de souffle, comme dirait JLG. Dans Don’t look up : déni cosmique, Adam McKay a choisi de synthétiser toutes ces menaces en un prétexte dramatique gros comme une comète, afin de mieux stigmatiser cette atmosphère latente de fin du monde et les réactions infantiles au mieux d’incompréhension, au pire de mépris, adoptées par les gouvernants et les médias face au risque d’apocalypse. Grâce à une distribution de tout premier ordre (Jennifer Lawrence, Leonardo DiCaprio, Meryl Streep, Cate Blanchett, Jonah Hill, Timothée Chalamet) et un sens affûté de l’observation (incompétence des politiques, versatilité des réseaux sociaux et des émissions de télévision), la satire fait mouche plus d’une fois de manière éblouissante, avant de nous laisser stupéfaits devant la stupidité du monde qui nous entoure.
Deux astronomes considérés à tort comme médiocres, sinon a minima méconnus, du Michigan, le docteur Randall Mindy et sa doctorante Kate Dibiasky, découvrent avec stupéfaction qu’une comète va détruire la Terre dans six mois. Après une entrevue avec la Présidente des Etats-Unis, peu pressée d’intervenir pour la faire dévier de sa trajectoire, ils entreprennent une tournée médiatique afin d’annoncer la fin du monde et de mobiliser le grand public.
Grâce à une distribution de tout premier ordre et un sens affûté de l’observation (incompétence des politiques, versatilité des réseaux sociaux et des émissions de télévision), la satire fait mouche plus d’une fois de manière éblouissante, avant de nous laisser stupéfaits devant la stupidité du monde qui nous entoure.
Venant du Saturday Night Live et de l’écurie Apatow, Adam McKay sait parfaitement manier la satire cruelle et l’humour dévastateur. Ces dernières années, son cinéma avait quelque peu mûri avec l’âge ; en témoignent The Big Short et Vice, nommés aux Oscars, où il se confrontait à des sujets d’une certaine gravité, comme la crise financière de 2008 ou la personnalité plutôt controversée de Dick Chenay, vice-président des Etats-Unis durant la présidence de George W. Bush. Tout comme certains de ses collègues ayant débuté par la comédie décomplexée, Peter Farrelly (Green Book), Todd Phillips (Joker) ou encore Jay Roach (Scandale), Adam McKay a vu avec la maturité ses préoccupations évoluer, son univers thématique changer, ses objectifs d’artiste se modifier dans le sens d’une plus grande quête de respectabilité. Il est en effet assez incroyable que ce sont les mêmes cinéastes qui ont filmé Mary à tout prix, Ricky Bobby, roi du circuit, Very bad trip ou Austin Powers, comme s’ils avaient effectué dans leur carrière, toutes proportions gardées, le passage de la comédie au drame, inverse de celui d’un Billy Wilder ou d’un Bruno Dumont.
En revanche, d’une certaine manière, Don’t look up représente un retour aux sources pour Adam McKay ; il y renoue franchement avec l’humour délirant de sa collaboration avec Will Ferrell, celui de Présentateur vedette : la Légende de Ron Burgundy, où il s’agissait aussi de se moquer de l’actualité et de l’information. Néanmoins la cible de cet humour a légèrement changé : là où Présentateur vedette s’attaquait aux tares, en particulier le machisme, des hommes médiocres, Don’t look up cible cette fois-ci les puissants de manière impitoyable : la Présidente des Etats-Unis, qui d’autre que l’immense Meryl Streep, en vision horrifique d’une Sarah Palin qui serait devenue mille fois plus délirante que l’original, boostée aux sondages et à son narcissisme ; son fils (Jonah Hill), incarnation vivante du népotisme, fantasmant de façon oedipienne sur sa mère ; une présentatrice de télé, Botox vivante, (Cate Blanchett), qui transforme l’information en divertissement permanent et ne songe qu’à coucher avec ses invités ; un militaire de l’ancienne école (Ron Perlman) anti-gays et formant à la méthode dure ; enfin un gourou de l’entrepreneuriat informatique, entre Steve Jobs et Jeff Bezos, qui détient le véritable pouvoir, celui de l’argent, se targuant d’agir pour le bien de l’humanité et se révulsant lorsqu’on le qualifie de businessman (génial Mark Rylance qui provoque l’hilarité à chacune de ses apparitions avec sa diction traînante et étouffée à la Droopy).
Face à eux, se trouvent largement démunis, un professeur faible (DiCaprio dans son premier véritable rôle d’homme et de mari médiocre) qu’il ne faudra pas convaincre beaucoup pour tromper sa femme et une doctorante brillante et rebelle (Jennifer Lawrence, de retour après son purgatoire post-aronofskyen), identifiable grâce à son piercing au nez, accessoire superficiel des faux révoltés. Leur tournée des médias est ainsi une métaphore de l’indifférence rencontrée par les déclarations alarmistes sur le réchauffement climatique. Dans ce registre, Adam McKay vise et touche incontestablement juste, le film se focalisant bien davantage sur ce monde qui nous entoure, gouverné par la « fake news » et la dictature des médias et des réseaux sociaux (la réconciliation en direct à la télévision d’une chanteuse interprétée par une Ariana Grande, plus vraie que nature), que sur le prétexte dramatique d’une Apocalypse prochaine et redoutée. Pendant une bonne heure vingt, Don’t look up navigue sur les cimes d’une satire éblouissante et magistrale. Malheureusement il va souffrir de deux écueils qui vont quelque peu limiter sa portée : un style cinématographique brouillon et approximatif, se concentrant sur des détails bizarres (des pieds, des mains, perdant de vue la cohérence de la scène), censé reproduire la vision chaotique du monde mais l’empêchant d’accéder à la rigueur stylistique des comédies classiques ; une durée bien trop longue, 2h25, ce qui fait une bonne heure de trop, le film se perdant à partir de la crise de nerfs du Docteur Mindy et de l’apparition du personnage de Chalamet, dans une sentimentalité un peu trop convenue et superfétatoire qui nuit à l’alacrité de l’ensemble. Néanmoins, Don’t look up, même freiné par ses deux écueils qui l’empêchent d’atteindre au niveau d’un Docteur Folamour, demeure une formidable comédie qui réjouit grandement en cette fin d’année, tout en nous interrogeant en filigrane sur le sort de notre planète, une oeuvre dont on se demande comment, avec une pareille distribution et un thème aussi fédérateur, elle a pu atterrir sur une plateforme et ne pas retrouver le chemin des grands écrans. Une comète tristement détournée, elle, de son but initial.
RÉALISATEUR : Adam McKay NATIONALITÉ : américaine AVEC : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Mark Rylance, Jonah Hill, Cate Blanchett, Timothée Chalamet GENRE : comédie dramatique, science-fiction, satire DURÉE : 2h25 DISTRIBUTEUR : Netflix SORTIE LE 24 décembre 2021