I am Greta : make the world Greta again

Greta Thunberg est sans doute la personnalité médiatique la plus importante et ahurissante apparue lors de la fin des années 2010. Militante écologiste radicale, elle a su gagner à sa cause de nombreuses personnes, en particulier provenant de la jeunesse, à son combat contre le réchauffement climatique. Car Greta, on l’oublie parfois, n’avait que 15 ans lorsqu’elle a commencé ses premières actions militantes et même aujourd’hui, ne compte que 18 printemps, en étant devenue l’une des personnalités les plus influentes de la planète, cf. « personnalité de l’année 2019″ d’après le magazine Time. Un tel destin ne pouvait laisser indifférent le cinéma : un film sur Greta Thunberg, c’est désormais chose faite grâce à ce documentaire qui retrace fidèlement toutes les étapes de son parcours, de sa grève scolaire pour lutter contre le réchauffement climatique en 2018 à son intervention saisissante aux Nations Unies où elle s’en prend directement aux dirigeants du monde entier, en 2019, avec son fameux ‘how dare you? » devenu proverbial.

Greta Thunberg, une lycéenne de 15 ans, ne supporte plus de rester les bras croisés face au dérèglement climatique. Elle entame, seule, une grève de l’école devant le Parlement suédois. Quelques personnes la rejoignent, puis des centaines, et bientôt des centaines de milliers d’autres. D’une détermination sans limite, elle interpelle …

Si I am Greta se laisse voir avec autant de facilité et de plaisir, c’est que Greta est en soi un personnage de cinéma, incroyable, improbable et pourtant terriblement vrai.

Entre Fifi Brindacier et Jeanne d’Arc, haute comme trois pommes, avec ses nattes devenues légendaires d’écolière, Greta Thunberg a su pourtant montrer une détermination hors du commun en entreprenant sa grève pour le climat. Tous les vendredis, elle venait avec son panneau dès huit heures du matin devant le Parlement suédois pour manifester dans la plus parfaite solitude. Complètement isolée, elle a su peu à peu gagner des personnes à sa cause qui se sont arrêtées, ont lu ses arguments, discuté avec elle, etc. Or qui est véritablement Greta Thunberg? Une surdouée autiste atteinte du syndrome d’Asperger, syndrome qui se traduit chez elle par un mutisme sélectif. Surdouée, elle l’est assurément, sa grève scolaire ainsi que toutes ses activités médiatiques ne l’empêchant nullement de figurer parmi les meilleures élèves de sa promotion. Dépressive, elle l’est également : pendant trois ans, après avoir vu un documentaire sur le climat, elle s’est repliée dans un autisme quasi-total qui ne tolérait que les membres de sa famille proche. Mais elle est avant tout hypermnésique et capable de tout savoir d’un sujet : elle peut lire un livre et retenir presque par coeur ce qui s’y trouve. Elle affiche sa consternation devant l’ignorance des journalistes et des hommes politiques. Savez-vous ce qu’est l’Effet d’Albedo ou la courbe de Keeling? Eux ne le savent pas ; Greta, en revanche, le sait, confirmant ce que dit son père à un moment du film : « Greta en sait plus que 90% des politiciens sur la question du climat ».

Si I am Greta se laisse voir avec autant de facilité et de plaisir, c’est que Greta est en soi un personnage de cinéma, incroyable, improbable et pourtant terriblement vrai. Il eût été impossible de fabriquer un tel mélange d’audace, d’innocence et de détermination. Si Greta n’existait pas, il eût fallu l’inventer, se dit-on parfois lorsqu’on la voit tenir tête aux puissants de ce monde qui ne font pas avancer d’un iota la lutte contre le réchauffement climatique, en faisant respecter l’accord de Paris sur la réduction des gaz à effet de serre. Devant ces Trump, Poutine, Bolsenaro, Junker, etc., Greta Thunberg a l’impression de ne pas parler la même langue (l’anglais qu’elle pratique parfaitement) ou d’avoir son micro éteint en permanence. Notons au passage que la présidence française peut se targuer d’être la première à l’avoir reçue, même avant la Suède, même si cette rencontre n’a guère été suivie d’effets, Greta Thunberg est souvent découragée face à ces puissants qui ne cessent de répéter « c’est un problème très important » pour ensuite courir prendre le premier avion. Contrairement à eux, elle met en accord ses principes et ses actions en traversant l’Atlantique en bateau pour se rendre au siège des Nations Unies à New York, afin de faire sa fameuse intervention pleine de rage où elle accuse les dirigeants d’avoir volé son enfance.

Pour autant, si ce documentaire est si précieux, c’est qu’il montre en marge des interventions officielles des images inédites qui dévoilent une face plus privée du phénomène Thunberg : ces moments où elle se trouve à la limite de craquer, de ne plus sortir, où elle avoue ne pas savoir ce qu’elle va étudier, dans quel domaine elle va travailler, ou comment elle va créer un foyer ; les moments où elle danse comme une gamine qu’elle est encore, ceux où elle se retrouve face à la nature et aux animaux pour lesquels elle nourrit une affection profonde et silencieuse. Un extrait de la bande originale semble étrangement en phase avec toute sa démarche, lorsque Billie Eilish interprète « End of the world » sur des images de Greta en pleurs. Greta, Billie : physiques assez similaires, même détermination, même talent, des icônes pour la génération d’aujourd’hui qui, pour autant, ne prennent pas la grosse tête, cf. la scène hilarante où Greta lit un démontage en régle de sa propre personne par un journaliste haineux. A la fin de ce documentaire essentiel, premier film d’un jeune metteur en scène de 34 ans, Greta conclut presque sérieusement « parfois j’ai l’impression que ce serait bien que tout le monde ait un peu plus d’Asperger ». On ne peut s’empêcher de penser qu’elle a peut-être raison, et que tout le monde à la fin du film reprendra pour soi la formule « I am Greta ».

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RÉALISATEUR :  Nathan Grossman
NATIONALITÉ : suédois
AVEC : Greta Thunberg
GENRE : Documentaire
DURÉE : 1h37
DISTRIBUTEUR : KMBO
SORTIE LE 29 septembre 2021