Présenté à l’Etrange Festival, après une séance spéciale à la Semaine de la Critique, Bruno Reidal de Vincent Le Port s’impose d’emblée comme l’un des meilleurs premiers films français de ces dernières années. Certes, le sujet sans concessions s’annonce sans doute comme un sacré repoussoir pour le grand public : la confession d’un adolescent qui n’a cessé de réfréner pendant des années ses penchants meurtriers. Pourtant, si Vincent Le Port poursuit son oeuvre sur des bases aussi élevées, Bruno Reidal s’annonce comme le premier jalon d’une oeuvre de metteur en scène de tout premier niveau qui détonne et tranche dans le cinéma français contemporain.
1er septembre 1905. Un séminariste de 17 ans est arrêté pour le meurtre d’un enfant de 12 ans. Pour comprendre son geste, des médecins lui demandent de relater sa vie depuis son enfance jusqu’au jour du crime. D’après l’histoire vraie de Bruno Reidal, jeune paysan du Cantal qui, toute sa vie, lutta contre ses pulsions meurtrières.
Bruno Reidal de Vincent Le Port s’impose d’emblée comme l’un des meilleurs premiers films français de ces dernières années. Si Vincent Le Port poursuit son oeuvre sur des bases aussi élevées, Bruno Reidal s’annonce comme le premier jalon d’une oeuvre de metteur en scène de tout premier niveau qui détonne et tranche dans le cinéma français contemporain.
En raison de sujets très proches, on pourra certes rapprocher Bruno Reidal de Moi Pierre Rivière...de René Allio mais alors que ce dernier s’exprime par un style très documentaire où le criminel s’en prend à sa famille, Bruno Reidal se distingue par une narration volontairement très introspective et presque apaisée, où la violence est pourtant inconditionnée, sans se limiter au milieu familial. Vincent Le Port indique avoir trouvé cette histoire dans un recueil de Stéphane Bourgoin sur les tueurs en série et avoir été intrigué par le fait que Bruno Reidal n’a tué en fait qu’une seule fois et par la valeur littéraire de sa confession. En effet, Bruno Reidal, jeune homme sans qualités, explore sa vie dénuée a priori d’intérêt et essaie d’exposer sans fards les événéments qui ont conduit à son acte fatal.
Par une description neutre et dénuée d’affects, Vincent Le Port parvient à nous faire rentrer dans la tête d’un gamin dévoré de pulsions agressives. Sans divulgâcher le contenu du film, il est clair que les pulsions meutrières qui traversent l’esprit de Bruno ont été aggravées par le viol homosexuel dont il a été victime. Dès lors, une association trouble s’est accomplie entre acte sexuel et acte de meurtre. Peut-être est-ce pour ne pas céder à une pulsion homosexuelle que Bruno Reidal s’est autorisé à tuer une personne qui aurait pu être l’objet de son désir. On peut rarement comprendre aussi bien que sexe, violence peuvent être aussi liés, que la destruction et la création sont l’envers d’une même médaille.
Servi par des comédiens admirables de sobriété et d’intériorité (Dimitri Doré et Roman Villedieu, en particulier), Vincent Le Port parvient à s’approcher du mystère du Mal sans toutefois chercher à l’élucider. En cela, il conviendrait de rapprocher son formidable film de certains prédécesseurs mystiques, décrivant des âmes tourmentées en quête d’apaisement, Bresson pour Le Journal d’un curé de campagne d’après Bernanos, ou Pialat pour Sous le soleil de Satan, toujours de Bernanos, et La Maison des bois, où l’on retrouve la même sérénité à vouloir peindre la vie rurale d’une France qui a existé au début du vingtième siècle.
RÉALISATEUR : Vincent Le Port NATIONALITÉ : française AVEC : Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Romain Villedieu GENRE : Drame, historique DURÉE : 1h41 DISTRIBUTEUR : Capricci Films SORTIE LE 23 mars 2022