La Vague: une leçon terrassante de féminisme

Le film a été présenté à la sélection Cannes Première en 2025 ainsi qu’au Festival de Biarritz de la même année. Il s’agit d’une comédie musicale alternant les passages chantés aux passages dialogués, parlés. Pour la bande musicale, le réalisateur s’est appuyé sur le fidèle Matthew Herbert, collaborateur entre autres de Björk, – avec lequel il avait travaillé lors de ses quatre précédents films – ainsi que sur des chanteuses chiliennes connues au pays: Javiera Parra ou encore Ana Tijoux. La Vague s’inspire de fais ayant réellement eu lieu en mai 2018 au Chili où pendant plusieurs semaines les universités de plusieurs grandes villes du pays furent occupées par des étudiantes qui demandaient à leur direction que des mesures soient prises contre les auteurs d’agressions sexuelles et plus particulièrement de professeurs, qui furent effectivement, suite à ces évènements, symboliquement sanctionnés. Le film a donc demandé sept ans de gestation.

Gageure que de réaliser une comédie musicale sur un sujet aussi grave, mais le genre adopté permet une mise à distance entraînant à la réflexion le spectateur. Le film est porté du début à la fin par le personnage de Julia, étudiante à la faculté des Arts de Santiago aux origines modestes – sa mère tient une supérette en ville et sa fille bénéficie par conséquent d’une bourse d’études. Elle va peu à peu se reconnaître dans le combat que mènent ses condisciples et s’insérer dans la lutte comme une participante de plus en plus active. D’autant plus qu’elle va, après avoir quelque peu hésité, finalement se rendre compte qu’elle fait partie des victimes nombreuses qui viennent lui confier leurs déboires au bureau des déclarations dont elle est membre. Dès lors, le réalisateur se livre à une dénonciation en règle de toute la société et surtout des bases patriarcales sur laquelle elle repose.

Le réalisateur se livre à une dénonciation en règle de toute la société et surtout des bases patriarcales sur laquelle elle repose.

Il y a le doyen de l’université qui cherche avant tout à faire en sorte que l’affaire fasse le moins de bruit possible, quitte à étouffer le scandale. Puis il y a Max, l’assistant de cours qui a séduit Julia et qui fait mine de ne pas comprendre ce qui s’est passé, posant en jeune homme irréprochable et respectueux des femmes, qu’on n’aurait pas tendance a priori à soupçonner. La vague d’indignation des étudiantes va jusqu’à la dénonciation du rôle traditionnel accordé aux pères dans la famille au sein de la société et plus particulièrement sur leurs filles ou femmes. Quant à la police, elle fait des complications pour recevoir la plainte particulière de Julia dont elle met en doute le statut de victime par des questions qui ne permettent pas d’identifier précisément la situation, Julia qui se voit ainsi déconcertée et de plus en plus isolée au sein de la société. Ce sont le rôle et la responsabilité des institutions dans leur ensemble qui sont remis en question.

Le film est mené tambour battant tant au niveau du rythme que des dialogues, et la musique se veut tonitruante et fracassante qui nous happe dès le départ. La parole des étudiantes se présente sous forme de manifestes féministes parfois naïfs en faisant preuve d’un discours entier aux intentions tapageuses qui appartient finalement bien à la jeunesse. Le film est minutieusement chorégraphié et ne laisse de ce point de vue transparaître aucune faille. Mais l’expression des visages et la gestuelle y sont outrées jusqu’au grotesque, point de vue assumé certainement par le réalisateur mais qui peut avoir tendance parfois à agacer. La dénonciation des liens qui unissent tous les aspects de la société – pointée ainsi du doigt dans son entièreté – contribuant à former une chaîne conduisant inéluctablement aux abus sexuels et au viol est mise en évidence par un stratagème permettant de localiser en un lieu unique tous les points de passage de Julia de la rencontre avec Max jusqu’à l’acte lui-même : l’université se voit ainsi contaminée par le crime dont l’auteur est responsable. Elle le cache comme qui dirait en son sein. Un film qui en fait parfois un peu trop, ce qui ne l’empêche pas de remettre en cause – au contraire – bien des préjugés.

3.5

RÉALISATEUR : Sebastian Lelio
NATIONALITÉ : Chili
GENRE : Comédie musicale, Drame
AVEC : Daniela Lopez, Lola Bravo, Avril Aurora
DURÉE : 2h09
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport
SORTIE LE 5 novembre 2025