Adapté du roman culte de Richard Matheson publié en 1956, L’Homme qui rétrécit promettait un retour audacieux à la fable existentielle de science-fiction, entre introspection et aventure spectaculaire. Avec Jan Kounen à la réalisation et Jean Dujardin dans le rôle principal – également coproducteur du film –, on pouvait espérer un mélange d’énergie, de réflexion et de second degré. Malheureusement, ce qui aurait pu être une œuvre sur la démesure de l’ego humain face à l’infiniment petit devient ici un objet sans saveur, lent et désincarné. Le film semble constamment fasciné par son propre miroir, sans jamais y trouver de profondeur.
Le point de départ avait pourtant tout pour séduire. Un étrange phénomène météorologique provoque chez Paul (Jean Dujardin) une réduction progressive de sa taille. Tandis que son corps se transforme, son environnement quotidien se mue en terrain d’épreuves démesurées : sa maison devient un labyrinthe, sa cave une prison, son chat un prédateur. À mesure qu’il s’efface physiquement du monde, Paul s’interroge sur le sens de son existence et sur ce qu’il reste de lui lorsqu’il devient littéralement insignifiant. À ses côtés, son épouse Élise (Marie-Josée Croze) tente de maintenir un lien que la différence d’échelle – symbolique autant que physique – rend impossible.
Comme si le film cherchait à se convaincre lui-même de sa profondeur.
Ce point de départ aurait pu offrir un film d’aventure existentiel, une exploration à la fois burlesque et tragique de la condition humaine. Mais Jan Kounen transforme cette matière fascinante en un long monologue intérieur où Jean Dujardin s’écoute littéralement parler. Les réflexions métaphysiques en voix off s’enchaînent avec une lourdeur désarmante, comme si le film cherchait à se convaincre lui-même de sa profondeur. Le ton reste indécis, coincé entre le drame philosophique et la comédie absurde qu’il n’assume jamais vraiment. C’est d’autant plus frustrant que, visuellement, tout est impeccable : les décors, en particulier, sont pensés avec une précision qui donne réellement corps à cette idée de monde devenu hostile, et le travail sur les proportions est sans doute ce que le film a de plus inspiré. Dommage que cette rigueur formelle serve une introspection si stérile.
À ce défaut d’écriture s’ajoute un manque flagrant d’incarnation. Les personnages ne sont jamais construits au-delà de leur fonction symbolique. Marie-Josée Croze, pourtant excellente actrice, se retrouve ici littéralement dans le flou : reléguée à l’arrière-plan, filmée dans l’ombre, elle n’existe qu’en faire-valoir de Dujardin, dont la mise en avant constante finit par tourner à la démonstration narcissique. Le film aurait pu parler de vulnérabilité, il ne parle finalement que de vanité. Et si la morale finale sur les souvenirs de soi que nous léguons aux autres se veut émouvante, elle tombe à plat, tant elle semble déconnectée de tout ce qui précède. L’émotion, qui devrait culminer dans la perte et la transcendance, se dilue dans la complaisance.
Malgré une direction artistique soignée et quelques fulgurances visuelles, L’Homme qui rétrécit se perd dans un entre-deux : trop sérieux pour être divertissant, trop creux pour être profond. Jan Kounen signe un film métaphysique qui n’interroge rien, sinon la fascination d’un acteur pour lui-même. On en ressort comme le héros : rapetissé, vidé, et vaguement frustré d’avoir cherché du sens là où il n’y en avait pas.
RÉALISATEUR : Jan Kounen
NATIONALITÉ : France, Belgique
GENRE : Drame, science-fiction
AVEC : Jean Dujardin, Marie-Josée Croze
DURÉE : 1h40
DISTRIBUTEUR : Universal Pictures International France
SORTIE LE : 22 Octobre 2025 en salles


