Rembrandt : l’écologie au musée des prétentions

« Si tu veux résoudre la crise climatique, va au cinéma. » C’est textuellement ce que suggère Rembrandt de Pierre Schoeller. L’idée d’unir art, science et écologie est intrigante, et les premières scènes semblent promettre une rencontre originale entre beauté artistique intemporelle, et urgence scientifique contemporaine. Mais très vite, une impression domine : derrière la gravité affichée, on assiste moins à une exploration universelle qu’à une démonstration d’entre-soi, un film qui se parle à lui-même et qui s’enferme dans sa propre solennité.

Le récit suit Claire (Camille Cottin) et Yves (Romain Duris), physiciens engagés dans le nucléaire et intégrés au plan France 2030. Mari et femme à la ville comme au travail, ils avancent ensemble dans une même direction jusqu’au jour où, lors d’une visite à la National Gallery, Claire se trouve bouleversée par trois toiles de Rembrandt. Cet éblouissement artistique devient le point de bascule du film : la révélation esthétique se veut métaphore existentielle, une clé capable de reconfigurer son regard sur le monde, sur son couple et même son rapport à la science. Sur le papier, l’idée attire ; à l’écran, l’élan se dissout.

Comme si la crise climatique ne concernait ici que des experts réunis dans une bulle théorique, sans jamais trouver de traduction humaine.

Premier constat : les personnages manquent cruellement de profondeur. Malgré un casting solide, ils semblent n’avoir aucune consistance, ni individuellement ni entre eux. On ne sait rien de Camille Cottin, censée incarner une femme en mutation : insondable, mais sensibilisée. En réalité, elle reste opaque du début à la fin, porteuse de convictions plaquées plus que vécues. Quant aux autres, ils semblent réciter un rôle plus qu’habiter un personnage. Comme si la crise climatique ne concernait ici que des experts réunis dans une bulle théorique, sans jamais trouver de traduction humaine. Le spectateur, tenu à distance, peine à s’attacher, et se sent étranger à ces enjeux, supposés être l’affaire de tous.

L’écriture des dialogues n’arrange rien. Pompeux, racoleurs, souvent ridicules dans leur solennité, ils plombent le propos au lieu de l’élever. L’insistance sur la figure de Rembrandt ajoute encore à la confusion : s’agit-il d’un syndrome de Stendhal transposé à l’ère du dérèglement climatique ? D’une métaphore bancale où la simplicité de l’art se verrait balayée par la puissance de la nature ? Ou d’une tentative maladroite de relier esthétique et science ? Encore une fois, le spectateur peine à suivre, et finit par sourire involontairement lorsque le récit se conclut sur le mot « humilité ». Ironie cruelle : on n’aura rarement vu un discours aussi hautain.

Au final, Rembrandt échoue à trouver le ton juste. Ni drame intime, ni fresque scientifique, ni véritable récit de crise politique, il se perd dans des intentions vagues et une écriture trop lourde. Le film voudrait lier la rigueur des sciences dures à la passion de l’art, mais il n’aboutit qu’à une juxtaposition maladroite. On attend que la narration se déploie, tel un thriller politico-social bien ficelé, avec ses révélations et ses coups de théâtre. Mais rien ne vient : le film piétine, s’enferme dans ses grands mots, et laisse en plan toute promesse dramatique. Reste Denis Podalydès, dont l’humour discret sauve quelques scènes d’un sérieux écrasant, et qui semble être le seul à prendre la mesure de l’absurdité de certaines situations. Mais cela ne suffit pas. Schoeller rêvait peut-être de nous éclairer, mais il nous laisse surtout dans le noir, à chercher le rapport avec Rembrandt.

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RÉALISATEUR : Pierre Schoeller
NATIONALITÉ :  Français
GENRE : Drame, Thriller
AVEC : Camille Cottin, Romain Duris, Céleste Brunnquell, Denis Podalydès
DURÉE : 107min
DISTRIBUTEUR : Zinc
SORTIE LE 24 Septembre 2025 au cinéma