Tous les amateurs de cinéma connaissent Isabelle Carré, son minois candide et sa fine silhouette qui écument les films français contemporains depuis le début des années 90. En revanche, peu de gens connaissent son histoire. Après avoir goûté à la consécration cinématographique et théâtrale (plusieurs Molières et un César de la meilleure actrice pour Se souvenir des belles choses de Zabou Breitman), elle s’est réinventée récemment en brillante écrivaine en signant depuis 2018 trois romans. Elle choisit aujourd’hui d’adapter son premier roman, Les Rêveurs, ce qui lui permet donc de retirer le voile sur les débuts de son parcours de vie et la naissance de sa vocation de comédienne. Pour autant, ce premier film, sensible, nécessaire et plutôt réussi, ne se contente pas de revenir sur son autobiographie, mais tend surtout à alerter sur les dangers qui guettent de nos jours la santé mentale de la jeune génération. Une mission d’alerte et d’espoir que Les Rêveurs porte de jolie manière à l’écran.
Élisabeth, comédienne, anime des ateliers d’écriture à l’hôpital Necker avec des adolescents en grande détresse psychologique. À leur contact, elle replonge dans sa propre histoire : son internement à 14 ans. Peu à peu, les souvenirs refont surface. Et avec eux, la découverte du théâtre, qui un jour l’a sauvée.
Ce premier film, sensible, nécessaire et plutôt réussi, tend surtout à alerter sur les dangers qui guettent de nos jours la santé mentale de la jeune génération. Une mission d’alerte et d’espoir que Les Rêveurs porte de jolie manière à l’écran.
Au début du film, Elisabeth, comédienne, alter ego en toute transparence d’Isabelle Carré, est invitée pour animer des ateliers d’écriture à des enfants et adolescents en grave souffrance psychologique à l’hôpital Necker. Devant un auditoire indifférent, voire presque hostile, de jeunes, elle peine à attirer leur attention jusqu’à ce qu’elle leur apprenne que, quelques années auparavant, elle se trouvait à leur place. Du coup, flash-back et retour à l’adolescence d’Elisabeth, quatorze ans, (l’étonnante Tessa Dumont Janod qui partage les mêmes qualités de candeur et de talent qu’Isabelle Carré), en proie à un chagrin d’amour et une tentative de suicide. Dès lors, le film sera en immersion dans ce service des enfants en détresse et reviendra de manière plus épisodique au présent.
Le quotidien de ces enfants et adolescents en détresse psychologique est plutôt bien décrit avec des notes bienvenues d’humour : le passage quotidien des médecins (menés par Bernard Campan, le fidèle partenaire de Se souvenir des belles choses) que les ados surnomment la Gestapo, les moments d’entraide et de soutien dans cette petite communauté, les amitiés qui naissent, comme celle entre Elisabeth et une brune ténébreuse, son contraire (Mélissa Boros, la révélation d’Alpha). On va découvrir comment Elisabeth était déjà revendicatrice de droits, parlant au nom de ses camarades, et surtout la manière dont elle va découvrir sa vocation d’actrice, à travers une tendresse qui ne se démentira pas pour Romy Schneider. Isabelle Carré se sort de belle manière d’un pari difficile : faire un film essentiellement avec des adolescents. Le sujet de la santé mentale des adolescents est assez peu abordé par le cinéma : de l’autre côté de l’Atlantique, Une vie volée de James Mangold ; en France, Les Rêveurs s’annonce comme le premier film d’une lignée d’autres conçus par Valérie Donzelli ou Cédric Kahn.
Le film oscillera donc entre cette reconstruction psychologique par l’art et cette quête de souvenirs dans le présent (l’amie adolescente qui a disparu sans laisser de traces). Les Rêveurs porte en son sein les qualités et les caractéristiques d’Isabelle Carré : une certaine candeur, une foi inaltérable en l’humain, un optimisme et une volonté d’espérance. Lorsqu’on entend sur le générique de fin la chanson sublime de Zaho de Sagazan, La Symphonie des éclairs, interprétée magistralement par Isabelle Carré elle-même, on se souvient des mots de Zaho, présentant sa chanson en concert : « il ne faut pas avoir peur d’être sensible car être sensible, c’est être vivant« .
RÉALISATRICE : Isabelle Carré NATIONALITÉ : française GENRE : comédie dramatique AVEC : Isabelle Carré, Tessa Dumont Janod, Judith Chemla, Pablo Pauly, Bernard Campan DURÉE : 1h46 DISTRIBUTEUR : Pan Distribution SORTIE LE 12 novembre 2025