« In England we call that repartie », lance Theo (Benedict Cumberbatch), dès la première scène du film, en pleine séance de thérapie conjugale. Cette réplique, lâchée avec un mélange d’ironie et de flegme, donne immédiatement le ton : La Guerre des Rose sera avant tout une affaire de mots, tels des pointes acérées. Le film n’est pas exempt de déséquilibres, certaines idées brillent plus que d’autres, mais il réussit à installer une atmosphère délectable, où l’intelligence du verbe devient l’arène principale du conflit.
Le récit, adapté du roman culte de Warren Adler déjà porté à l’écran par Danny DeVito en 1989, se concentre sur Theo et Ivy (Olivia Colman), couple britannique expatrié en Californie, dont le mariage s’effiloche lentement. Jay Roach le revisite avec une approche moins spectaculaire que dans la première version, plus psychologique. Le couple formé par Theo et Ivy se fissure sous nos yeux, non pas dans l’explosion, mais dans l’érosion. Pas besoin de casser des assiettes : ici, les éclats sont avant tout verbaux. Roach privilégie pour l’essentiel la litote plutôt que le pugilat, le duel verbal plutôt que l’éclat de vaisselle.
Ils parviennent à donner chair à cette contradiction fascinante : deux êtres capables de s’adorer et se détester dans la même respiration.
C’est là que le film déploie son charme le plus éclatant, mais aussi ses limites. Les dialogues sont de petites merveilles d’ironie et de sous-entendus, une véritable escrime verbale où Cumberbatch et Colman excellent. Mais en contrepoint, les personnages américains apparaissent d’une naïveté presque grotesque, avec leurs bons conseils de pacotille et leurs maladresses émotionnelles. Difficile de savoir si Roach appuie volontairement sur cette opposition pour faire briller la finesse britannique, ou s’il tombe malgré lui dans une caricature qui dessert son propos. La frontière est mince entre satire assumée et accident culturel — et cette ambiguïté, selon l’humeur du spectateur, peut faire sourire ou agacer.
Reste que si le rythme narratif se révèle parfois inégal, c’est bien le duo d’acteurs qui évite au film de sombrer dans la répétition. Benedict Cumberbatch et Olivia Colman se livrent à un véritable pas de deux : leurs mots frappent fort, mais leurs gestes, leurs regards, leurs silences frappent parfois encore plus juste. Ils parviennent à donner chair à cette contradiction fascinante : deux êtres capables de s’adorer et se détester dans la même respiration. Cette dualité, servie par une alchimie rare, donne au film une dimension presque théâtrale. Mais à trop miser sur cette complicité, Roach délaisse la narration, dont l’intensité se dilue, pour venir se heurter à un final précipité, comme une pirouette inaboutie. La complexité des rapports humains se voit réduite à une conclusion trop convenue, calquée sur celle de la première adaptation, comme si le film, après avoir pris des risques, n’avait pas osé les assumer jusqu’au bout.
En somme, La Guerre des Rose ne rejoint ni la cruauté du roman, ni l’exubérance du film de DeVito, mais il réussit une variation plus subtile, plus feutrée, où la guerre conjugale se joue sur le terrain des mots et des gestes. C’est un récit inégal, parfois bancal, mais relevé par une alchimie rare et un humour délicieusement corrosif — de quoi donner envie de régler ses propres disputes avec un peu plus de panache.
RÉALISATEUR : Jay Roach NATIONALITÉ : États-Unis, Royaume-Uni GENRE : Comédie AVEC : Olivia Colman, Benedict Cumberbatch DURÉE : 105min DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France SORTIE LE 27 Août 2025 au cinéma